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Pourquoi les élections européennes manquent d'éthique

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Nous avons tous compris qu'en dehors du match FN contre UMPS, rien n'intéresse les médias dans ce débat pour les européennes. Pourtant, les sujets essentiels ne manquent pas et notamment sur le fonctionnement démocratique de l'UE avec entre autres la question des conflits d'intérêts et des risques de corruption au sein des institutions européennes.

La question de la légitimité démocratique des institutions européennes est régulièrement posée. A cela il faut préciser de nombreux points: certes le Parlement est la seule institution à avoir ses représentants élus au suffrage universel, néanmoins, siègent au Conseil des dirigeants démocratiques élus (avec quelques réserves pour certains pays à commencer par la Hongrie dont le premier ministre autoritaire est issu des bancs du PPE), siègent au Conseil de l'Union européenne les ministres des différents pays qui doivent leur légitimité aux parlements nationaux. Quant à la Commission, les commissaires sont choisis par les gouvernements auditionnés et confirmés par les parlementaires (3 candidats commissaires ont déjà été refusés par le Parlement).

Chaque année la Commission reçoit un quitus du Parlement et la Commission Santer a démissionné en 1999 par crainte de ne pas recevoir le quitus. Les missions de contrôle des parlementaires sont essentielles et très souvent négligées par les parlementaires. Sur cette mandature par exemple, et sous mon impulsion entre autres, l'EFSA n'a pas eu son quitus et a été obligé de se réformer (certes à minima).

Je regrette que les parlementaires n'aient pas le droit d'initiative, ils ont néanmoins quelques armes comme celles de bloquer des directives. Ainsi, sur le clonage, le Parlement a pris en otage le texte "nouveaux aliments" pour faire avancer le dossier. Mais pour cela il faut avoir des parlementaires avec un peu de courage et d'indépendance et qui effectuent leur mission de contrôle.

Quoiqu'il en soit, ces 5 années m'ont convaincue que ce sujet était au cœur de tous les autres et c'est la raison pour laquelle la liste Europe citoyenne le met au coeur du débat des européennes.

Le rapport que vient de publier Transparency international -dont je suis administratrice de la branche française depuis plus de 10 ans (mais en congé durant les périodes électorales)- qui porte sur 10 institutions et organismes de l'Union Européenne vient mettre beaucoup d'eau à notre moulin. Et il est particulièrement sévère: procédures de décision opaque, règles entraînant des risques de corruption, manque de politique pour protéger les lanceurs d'alerte ou éviter les conflits d'intérêts. Le rapport souligne qu'"il n'existe pas de vérification exhaustive des avoirs déclarés par les commissaires ou les députés européens" ou encore que "de nombreuses lacunes subsistent telles que l'absence de règles obligatoires en matière de lobbying et une tendance croissante à négocier les lois en coulisse".

Pour avoir durant cinq ans combattus les conflits d'intérêts au sein des agences sanitaires en particulier, pour avoir échoué à faire aboutir des textes qui protégeaient la santé et l'intérêt des consommateurs, en raison de la mobilisation financière colossale des lobbys, je ne puis que souscrire pleinement à ce constat.

C'est la raison pour laquelle les listes Europe citoyenne ont fait de ce sujet un des quatre piliers de leur projet européen; plus encore avec Marie Odile Bertella Geoffroy, ancienne juge d'instruction en charge du pôle santé environnement ou Jean-Luc Touly, un des responsables d'Anticor. Nous avons voulu que sur la liste, que je conduis en Ile de France, il y ait des candidats qui se soient illustrés sur ces combats.

Chacun peut comprendre le caractère majeur du sujet. Il ne s'agit pas seulement d'éthique élémentaire et de respect de la loi. Il s'agit tout simplement du sens des décisions prises qui engagent 500 millions d'Européens. En effet, quand les lobbys parviennent à gagner pour réduire l'encadrement du tabac, éviter un étiquetage alimentaire simple et clair, faire admettre qu'un dispositif médical à usage unique puisse être réutilisé, pour ne citer que quelques exemples sans parler de la finance, ou de l'énergie (puisque les opérateurs électriciens conventionnels sont en train de chercher à réduire les énergies renouvelables alors que partout dans le monde leur croissance est en explosion), ce sont les citoyens qui perdent.

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Or, ils perdent parce que des députés ont décidé de devenir les porte-voix de ces lobbys, en faisant voter leurs amendements et parce que les directions générales et peut-être certains commissaires ont des relations étroites avec ces lobbys. Portes tournantes qui permettent de passer d'un labo à un organisme d'expertise puis à en revenir, embauche de personnalités très proches de l'industrie à de postes clés comme Anne Glover auprès de M. Barroso comme conseillère scientifique, tolérance de conflits d'intérêts patents au sein de l'EFSA pour de experts appartenant à l'ILSI, grand lobby européen de l'agroalimentaire, non prise en compte des rapports de la Cour des comptes européenne...
Mais au Parlement, les voyages de députés offerts par les lobbys sont courants et n'avaient pas jusqu'en juillet 2013 à être déclarés; ainsi, des députés, contre rapporteurs du dossier des agrocarburants dont j'étais rapporteur, ont été invités par Palm Oïl en Malaisie pendant 8 jours pour découvrir les immenses bienfaits de l'huile de palme et saboter la directive agrocarburants!
Certains députés semblent être eux même lobbyistes même si cette activité est officiellement incompatible avec le statut de député mais les contrôles et a fortiori les sanctions sont inexistants.

La première reconquête est donc celle de l'éthique, prélude incontournable à toute amélioration de la confiance des concitoyens dans l'Europe.

Les députés pourraient tous prendre les engagements simples et contrôlables par tout un chacun que nous avons pris et que j'avais personnellement déjà appliqué au cours de cette mandature en terme de transparence de l'utilisation des fonds, de rencontre de lobbyistes, de prohibitions de tout cadeau ou encore de compte rendu de mandat. Ils ne le font pas. Pourquoi? Nous avons été trois députés français à mettre sur notre site l'usage fait des fonds communautaires!

Mais cela ne suffit pas. Certaines rencontres sont secrètes et elles devraient être prohibées comme la réception de lobbyistes non enregistrés.

De même, le suivi de tous les amendements déposés permettrait très vite de distinguer les députés porte-parole des lobbys et les amendements défendus par des groupes politiques pour des raisons pas toujours glorieuses.

Mais dans ce domaine, comme dans d'autres, la peur du gendarme est la meilleure règle; c'est la raison pour laquelle nous proposons un Parquet européen pour les infractions de niveau communautaire, financières, fiscales, environnementales et bien sûr commises par les membres de institutions.

Ainsi, les solutions simples existent et pourraient être mises en oeuvre. Encore faudrait il que le débat soit ouvert sur le sujet... mais quel intérêt il y a-t-il en dehors de celui de 500 millions d'européens?

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