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Un changement politique au Brésil est nécessaire: un constat parfois amer

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La coupe du monde de football est l'occasion d'un intérêt international pour le Brésil, qui ne risque pas de faiblir dans les prochaines années puisqu'en 2016 ce sera au tour des Jeux Olympiques de visiter cet immense et fantastique pays. Ces événements ont été voulus par le gouvernement du président Lula, puis gérés par celui de Dilma Roussef, pour montrer au monde que le Brésil est enfin devenu un grand pays. Certes il l'était déjà par sa taille. Mais aujourd'hui son économie, son agressivité commerciale notamment dans le secteur agricole, sa maîtrise de nombreuses technologies en font véritablement une grande puissance, un statut après lequel ce pays court depuis plus de cinquante ans et qu'il revendique comme une sorte de fatalité. Immense en Amérique du sud, grand à l'échelle mondiale, le Brésil se voit désormais bien occuper un siège au conseil de sécurité de l'ONU.

Ce que l'on admire aujourd'hui au Brésil, plus que la virtuosité diplomatique (qui fit tout de même des ravages à l'OMC, de laquelle les Brésiliens ont très bien su jouer), ce sont ses performances intérieures, principalement économiques. Le taux de chômage y est autour de 5 % (dans un contexte de croissance démographique, ce qui veut dire que le nombre d'emploi créés chaque année est supérieur à 1,5 millions), le PIB a été multiplié par plus de quatre depuis 2002 (même si les dernières années sont moins bonnes) et une proportion importante de Brésiliens peut aujourd'hui accéder aux joies de la consommation massive, entraînant l'intérêt des multinationales et des pays qui les abritent pour ce nouveau marché.
Quelques chiffres témoignent de l'ampleur de cette réussite : il y a aujourd'hui 247 millions de lignes de téléphone mobile en service au Brésil. 4,5 millions de nouvelles voitures sont immatriculées chaque année... ou encore le fait que la classe moyenne compte désormais plus de 40 millions de personnes (ou 50 % des ménages), constituant une immense classe émergente qui veut désormais s'équiper et consommer. La dette publique est stabilisée à moins de 60 % du PIB et le gouvernement mené depuis 12 ans par le Parti des travailleurs semble avoir trouvé une martingale associant le réalisme économique et une plus grande justice sociale symbolisée par les différents programmes de redistribution.

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Bref, tout irait bien au Brésil aujourd'hui, un pays qui "explose", selon le terme consacré, et les imperfections ressenties ici ou là (infrastructures routières ou aéroportuaires dépassées, zones urbaines sous-équipées en infrastructures de base, etc.) ne seraient que les témoins de la formidable accélération en cours. Cela va juste un peu trop vite, et le retard sera comblé grâce à la nouvelle prospérité dont le règne ne fait que commencer.

Voire.

Les manifestations de juin 2013 et les mouvements d'humeur de la population au moment de la coupe du monde - un comble, quand on connaît la ferveur des Brésiliens pour n'importe quelle copa, de bouder "leur" coupe du monde - sont des révélateurs importants d'une insatisfaction profonde. Et l'une des manières de la comprendre est que, pour une grande partie de la population brésilienne, plus ça change (plus le pays grandit et se développe) et moins ça change (moins les conditions de vie semblent s'améliorer). Car au-delà des statistiques économiques, la réalité de la vie quotidienne des classes populaires et moyennes n'a pas forcément de quoi faire rêver.

L'un des aspects les plus inquiétants est la question de la violence. Le Brésil vit une véritable guerre civile larvée, avec a fait plus de 52 000 morts l'année dernière et affiche un bilan de plus de 1,1 millions de victimes depuis 30 ans. Il s'agit donc d'un des plus importants conflits mondiaux du début du XXIe siècle. Mais qui en parle ? Les puissants se protègent (imparfaitement) derrière des murs, des clôtures électriques, des sociétés de sécurité. Aucune force politique ne prend à bras le corps cette question pour en faire une grande cause nationale, ce alors que la plupart des familles brésiliennes ont connu de près ou de loin cette violence dramatique et destructrice. Soit on en fait une question technique (i.e. liée à une question d'organisation des forces de police, comme la politique de "pacification" - notons le mot ! - de Rio de Janeiro), soit on pointe des causes sur lesquelles le Brésil ne semble pas avoir de prise (la faute au trafic de drogue international). Mais le thème ne parvient jamais au premier plan des campagnes électorales nationales, alors qu'il s'agit d'une des priorités des individus, et sans doute un domaine dans lequel le Brésil doit mener une réflexion profonde sur lui-même pour en comprendre les causes et les mécanismes.

Le manque de sécurité n'est qu'une des faces de la déficience des services publics. Les Brésiliens payent beaucoup d'impôts (environ 36 % du PIB), en particulier ceux qui ne sont pas assez riches pour avoir accès aux niches ménagées par le gouvernement pour ménager les grandes fortunes qui menaçaient de quitter le pays à l'avènement du président Lula. Et en échange, que reçoivent-ils ? Des services publics qui sont pour la plupart déficients, obligeant à les compléter par des assurances privées (pour la santé), des écoles privées (pour accéder aux universités publiques, les meilleures), de la sécurité privée... et donc à payer une deuxième fois la plupart des services de base auxquels les citoyens aspirent. Ce n'est pas un hasard si les transports publics ont été au cœur des manifestations de juin. Ils sont lents, chers, inconfortables, totalement inefficaces et sont depuis longtemps, et tout le monde le sait, l'un des secteurs qui fournit le plus d'opportunités pour les détournements de fonds et les pots de vin.

La construction des stades de la coupe du monde, autre motif d'indignation de la population, a montré ce qui est malheureusement le lot commun de la plupart des grands chantiers financés par de l'argent public : retards, gaspillages et des soupçons clairs de détournement de fonds à tous les niveaux. Mais au-delà des stades, on ne finirait pas de dresser la liste de ces obras dont on attend enfin l'arrivée. Pour n'en citer qu'une, on peut évoquer le chantier de la voie ferrée nord-sud, priorité de la stratégie logistique du Brésil, évidence dans un pays si grand qui dépense des milliards avec des transports routiers inadaptés, et pourtant en retard chronique sur sa planification, et dont les 700 km déjà construits (sur 4200 prévus) ne sont pas utilisables à cause de toute sorte de vices de construction. Ce après l'investissement de près de 5 milliards de reais depuis les premiers coups de pioche (en 1987 !).

Comment de telles déficiences peuvent-elles se produire dans un pays raisonnablement bien informé, dans lequel existent des organismes de contrôle et où la population peut exprimer son opinion (et donc sanctionner les responsables) lors d'élections libres ? C'est l'un des grands mystères du Brésil et sans doute le point sur lequel un changement doit intervenir d'urgence : en apparence sain, son système démocratique est en fait sclérosé et perméable à la corruption, au népotisme et au détournement de fonds publics.

À suivre: Le nécessaire changement politique au Brésil : une pratique politique à réformer d'urgence...


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