Je suis évidemment très content, heureux, fier, d'être élu parisien du 13e arrondissement, tout nouveau maire-adjoint chargé du développement durable et de l'économie sociale et solidaire. Toutefois, je tiens à dire que je me sens un peu comme un rescapé tant les élections municipales ont été une hécatombe dans les villes de gauche.
En Île-de-France, la banlieue rouge, déjà bien rose, est maintenant devenue franchement bleue (voir la carte de Slate) et les résultats nationaux, notamment du FN, ont bousculé quelques certitudes.
S'il y a bien un élément à retenir dans la vie politique française et européenne actuellement, c'est la montée de l'extrême droite. On peut lister à l'infini les raisons, réelles ou supposées, ça ne changera rien au fait que les scores du FN, même s'ils n'ont fait que remettre le parti à son niveau de 1995, sont très bons.
Ajoutons à cela que ces scores, le Front national ne les doit qu'à lui-même puisque 100 % de ses listes étaient autonomes. Les candidats EELV, qui ont réalisé de beaux scores partout où ils portaient des listes autonomes, ont aussi beaucoup été élus, au premier ou au second tour, avec le Parti socialiste ou le Front de gauche (avec ou sans le PCF).
Mais au fait, pourquoi ce titre volontairement provocateur?
Fin de systèmes, chutes de bastions
La chute de bastions qu'on jugeait éternellement à gauche, l'élection de plus d'une dizaine de maires frontistes, le carton prévu, annoncé, presque désiré des listes FN aux européennes ont le grand mérite de nous sortir de notre torpeur.
Le soutien à la droite aulnaysienne par Saïd Taghmaoui, acteur français révélé par La Haine mais parti faire carrière aux États-Unis à cause des pauvres rôles qu'on lui proposait en France, ne dit pas autre chose: c'est la fin des votes automatiques (réels ou fantasmés), du musulman = gauche, de la cité = gauche.
L'article complet, qui ne parle pas que de Taghamoui (Le vote sanction des quartiers contre la gauche expliqué par l'acteur Saïd Taghmaoui), conclut d'ailleurs sur la fin du vote captif. Est-ce la fin réelle ou la fin du mythe? C'est une autre question. Néanmoins, si cela fait déciller la gauche sur ses propres faiblesses et carences, ce sera un mal pour un bien.
En Seine-Saint-Denis, ces chutes de bastions, théâtres de systèmes PC ou PS bien rodés, nous rappellent non seulement que rien n'est éternel mais que même les ancrages les plus profonds ne résistent pas à toutes les tempêtes. Cela devrait comme un avertissement à toutes les équipes qui se considèrent propriétaires de leurs villes, de leurs territoires.
Le FN est enfin un adversaire qu'on regarde en face
Pendant trop longtemps, on s'est contenté de dénoncer le FN de manière moralisante. Plus grave, on s'est appuyé paresseusement sur le mode de scrutin pour éviter sa prise de pouvoir. Législatives, cantonales, municipales ou régionales... le scrutin uninominal ou de listes avec prime majoritaire assure au "camp républicain" (je mets de GROS guillemets) une victoire à tous les coups. Ou du moins, assurait.
Car fort de cette certitude que "jamais le FN ne gagnera une élection contre un front républicain uni", on n'a jamais trop cherché à le contrer comme un adversaire politique normal, habituel. Bien souvent, l'imprécation morale suffisait. Moralisme et mode de scrutin se révèlent de plus en plus une Ligne Maginot.
Si vous avez l'impression que je me répète, c'est normal, je disais exactement la même chose en décembre 2011 :
"Ça fait en effet 30 ans que l'on répond au Front national que ses idées, "c'est pas bien". Avec quelle efficacité! Et quand la droite, l'UMP surtout, tend vers le on ne sait souvent que répondre "c'est pas bien", "c'est comme le FN". Un point de vue partagé uniquement par les gens déjà d'accord avec nous, pas les personnes potentiellement convaincues par les discours réactionnaires, voire racistes ou xénophobes, anti-sociaux, etc.
Alors c'est sûr, ça fait plaisir de dénoncer bien fort avec des mots bien sentis, mais est-ce que la politique c'est se faire plaisir ou répondre concrètement à des attentes?"
De même, j'écris ce billet et dans le même temps, Cambadélis accorde une interview au Monde (Cambadélis aux députés PS: "Calmons-nous!") et tient des propos cinglants sur l'échec de la gauche face au FN:
"[Contre l'extrême droite], l'échec est total. Nous avons surestimé la scission intervenue en 1999 au FN, sous-estimé la banalisation et nous n'avons pas compris le phénomène national-populiste sur le continent européen. Plus grave, nous continuons de commettre une erreur d'interprétation : le FN n'est pas un parti fasciste voire nazi comme il en existait dans les années 1930, même si on trouve des points communs comme la haine de l'immigré.
[...]
Pourquoi le PS est il autant sur la défensive ?
Il n'a pas pris la mesure de notre époque. Il fonctionne toujours sur de vieux logiciels. Du coup, il est incapable de faire le récit de ce qu'il fait et d'en donner le sens. Notre sémantique est devenue effroyablement technocratique. Nous donnons l'impression d'un entre-soi qui écrase la politique. Franchement, que signifie pour les Français la politique de l'offre et de la demande? Il faut faire redescendre la gauche dans le peuple car aujourd'hui le Parti socialiste donne l'impression de ne s'occuper que de lui-même."
Les victoires frontistes aux municipales et le carton annoncé (trop annoncé? désiré?) aux élections européennes auront un grand mérite: faire prendre conscience de réel danger que ce parti et ses idées représentent. Ces victoires marquent aussi -enfin!- l'échec des luttes à la Ras l'Front et autres dénonciations du vote FN.
La situation sociale en France est catastrophique. Le vote frontiste et l'abstention ne sont que des symptômes d'un pays dépolitisé qui va mal. Les solutions apportées par les politiques de droite comme de gauche ne semblent pas efficaces. Écolos et extrême droite semblent être les deux seuls mouvement à fournir un imaginaire attractif pour l'avenir. Avec avantage au FN, hélas.
Je vous invite à lire Jean-Paul Delevoye, parti de l'UMP pour tenir des propos qui ne dépareilleraient pas tellement en Conseil fédéral EELV: Delevoye: "Il faut passer à une société de partage"
"Notre système social qui reposait sur les allocations est à repenser dans un souci de socialisation. Il faut que les gens retrouvent le souci de chanter, de danser, de boire ensemble. Le rapport humain n'est pas que lié sur l'argent mais aussi sur l'empathie et le partage. Ma conviction, c'est qu'on va passer d'une société de la performance à la société de l'épanouissement.
La question, c'est: comment être épanoui avec moins d'argent? Il faut passer à une société de partage: colocation, covoiturage, partage de nurses... Il faut passer d'une société du bien à une société du lien."
Mon avis très modeste sur la question est le suivant: inclusion sociale et prise en compte du local doivent être les maîtres mots de la politique aujourd'hui. De manière générale, s'il faut avoir une stratégie contre le FN, la meilleure serait de ne pas en avoir et de faire correctement ce pour quoi on est élu, et de tenir ses promesses.
En Île-de-France, la banlieue rouge, déjà bien rose, est maintenant devenue franchement bleue (voir la carte de Slate) et les résultats nationaux, notamment du FN, ont bousculé quelques certitudes.
S'il y a bien un élément à retenir dans la vie politique française et européenne actuellement, c'est la montée de l'extrême droite. On peut lister à l'infini les raisons, réelles ou supposées, ça ne changera rien au fait que les scores du FN, même s'ils n'ont fait que remettre le parti à son niveau de 1995, sont très bons.
Ajoutons à cela que ces scores, le Front national ne les doit qu'à lui-même puisque 100 % de ses listes étaient autonomes. Les candidats EELV, qui ont réalisé de beaux scores partout où ils portaient des listes autonomes, ont aussi beaucoup été élus, au premier ou au second tour, avec le Parti socialiste ou le Front de gauche (avec ou sans le PCF).
Mais au fait, pourquoi ce titre volontairement provocateur?
Fin de systèmes, chutes de bastions
La chute de bastions qu'on jugeait éternellement à gauche, l'élection de plus d'une dizaine de maires frontistes, le carton prévu, annoncé, presque désiré des listes FN aux européennes ont le grand mérite de nous sortir de notre torpeur.
Le soutien à la droite aulnaysienne par Saïd Taghmaoui, acteur français révélé par La Haine mais parti faire carrière aux États-Unis à cause des pauvres rôles qu'on lui proposait en France, ne dit pas autre chose: c'est la fin des votes automatiques (réels ou fantasmés), du musulman = gauche, de la cité = gauche.
L'article complet, qui ne parle pas que de Taghamoui (Le vote sanction des quartiers contre la gauche expliqué par l'acteur Saïd Taghmaoui), conclut d'ailleurs sur la fin du vote captif. Est-ce la fin réelle ou la fin du mythe? C'est une autre question. Néanmoins, si cela fait déciller la gauche sur ses propres faiblesses et carences, ce sera un mal pour un bien.
En Seine-Saint-Denis, ces chutes de bastions, théâtres de systèmes PC ou PS bien rodés, nous rappellent non seulement que rien n'est éternel mais que même les ancrages les plus profonds ne résistent pas à toutes les tempêtes. Cela devrait comme un avertissement à toutes les équipes qui se considèrent propriétaires de leurs villes, de leurs territoires.
Le FN est enfin un adversaire qu'on regarde en face
Pendant trop longtemps, on s'est contenté de dénoncer le FN de manière moralisante. Plus grave, on s'est appuyé paresseusement sur le mode de scrutin pour éviter sa prise de pouvoir. Législatives, cantonales, municipales ou régionales... le scrutin uninominal ou de listes avec prime majoritaire assure au "camp républicain" (je mets de GROS guillemets) une victoire à tous les coups. Ou du moins, assurait.
Car fort de cette certitude que "jamais le FN ne gagnera une élection contre un front républicain uni", on n'a jamais trop cherché à le contrer comme un adversaire politique normal, habituel. Bien souvent, l'imprécation morale suffisait. Moralisme et mode de scrutin se révèlent de plus en plus une Ligne Maginot.
Si vous avez l'impression que je me répète, c'est normal, je disais exactement la même chose en décembre 2011 :
"Ça fait en effet 30 ans que l'on répond au Front national que ses idées, "c'est pas bien". Avec quelle efficacité! Et quand la droite, l'UMP surtout, tend vers le on ne sait souvent que répondre "c'est pas bien", "c'est comme le FN". Un point de vue partagé uniquement par les gens déjà d'accord avec nous, pas les personnes potentiellement convaincues par les discours réactionnaires, voire racistes ou xénophobes, anti-sociaux, etc.
Alors c'est sûr, ça fait plaisir de dénoncer bien fort avec des mots bien sentis, mais est-ce que la politique c'est se faire plaisir ou répondre concrètement à des attentes?"
De même, j'écris ce billet et dans le même temps, Cambadélis accorde une interview au Monde (Cambadélis aux députés PS: "Calmons-nous!") et tient des propos cinglants sur l'échec de la gauche face au FN:
"[Contre l'extrême droite], l'échec est total. Nous avons surestimé la scission intervenue en 1999 au FN, sous-estimé la banalisation et nous n'avons pas compris le phénomène national-populiste sur le continent européen. Plus grave, nous continuons de commettre une erreur d'interprétation : le FN n'est pas un parti fasciste voire nazi comme il en existait dans les années 1930, même si on trouve des points communs comme la haine de l'immigré.
[...]
Pourquoi le PS est il autant sur la défensive ?
Il n'a pas pris la mesure de notre époque. Il fonctionne toujours sur de vieux logiciels. Du coup, il est incapable de faire le récit de ce qu'il fait et d'en donner le sens. Notre sémantique est devenue effroyablement technocratique. Nous donnons l'impression d'un entre-soi qui écrase la politique. Franchement, que signifie pour les Français la politique de l'offre et de la demande? Il faut faire redescendre la gauche dans le peuple car aujourd'hui le Parti socialiste donne l'impression de ne s'occuper que de lui-même."
Les victoires frontistes aux municipales et le carton annoncé (trop annoncé? désiré?) aux élections européennes auront un grand mérite: faire prendre conscience de réel danger que ce parti et ses idées représentent. Ces victoires marquent aussi -enfin!- l'échec des luttes à la Ras l'Front et autres dénonciations du vote FN.
La situation sociale en France est catastrophique. Le vote frontiste et l'abstention ne sont que des symptômes d'un pays dépolitisé qui va mal. Les solutions apportées par les politiques de droite comme de gauche ne semblent pas efficaces. Écolos et extrême droite semblent être les deux seuls mouvement à fournir un imaginaire attractif pour l'avenir. Avec avantage au FN, hélas.
Je vous invite à lire Jean-Paul Delevoye, parti de l'UMP pour tenir des propos qui ne dépareilleraient pas tellement en Conseil fédéral EELV: Delevoye: "Il faut passer à une société de partage"
"Notre système social qui reposait sur les allocations est à repenser dans un souci de socialisation. Il faut que les gens retrouvent le souci de chanter, de danser, de boire ensemble. Le rapport humain n'est pas que lié sur l'argent mais aussi sur l'empathie et le partage. Ma conviction, c'est qu'on va passer d'une société de la performance à la société de l'épanouissement.
La question, c'est: comment être épanoui avec moins d'argent? Il faut passer à une société de partage: colocation, covoiturage, partage de nurses... Il faut passer d'une société du bien à une société du lien."
Mon avis très modeste sur la question est le suivant: inclusion sociale et prise en compte du local doivent être les maîtres mots de la politique aujourd'hui. De manière générale, s'il faut avoir une stratégie contre le FN, la meilleure serait de ne pas en avoir et de faire correctement ce pour quoi on est élu, et de tenir ses promesses.
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