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Architecture: Point Haut, un chantier ouvert au public

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Avec la rénovation d'un lieu de création situé sur une friche industrielle à Saint Pierre des Corps, le constructeur/scénographe Patrick Bouchain et l'agence Construire démontrent magistralement que la fabrication de l'urbanité commence dès le chantier.

chantier haut
Crédit photo: Léonard de Serres


Patrick Bouchain poursuit inlassablement ses explorations architecturales et sociales. Cet architecte s'intéresse depuis longtemps à la reconquête des lieux industriels et trace une voie originale à contre courant des pratiques habituelles: "On a des bâtiments trop finis. C'est comme si c'était une mort avancée. Pour faire des lieux ouverts, il faut construire des lieux bruts qui laissent la possibilité à son occupant d'oser le transformer lui-même, de se l'approprier". Il a appliqué cette démarche singulière lors de la rénovation du Lieu Unique à Nantes, de la Condition publique à Roubaix ou du réaménagement de la friche Belle de Mai à Marseille. A chaque fois, il préserve ce qui peut l'être. Sa devise, c'est "consolider plutôt que réparer, réparer plutôt que restaurer, restaurer plutôt que refaire, refaire plutôt qu'embellir". (AMC, 143, mai 2004) Une philosophie simple à première vue qui nécessite un soin particulier et un engagement total: il s'agit de lutter en permanence contre les habitudes, les normes et règlements, de les réinterroger, de les réinterpréter pour les rendre conformes à la réalité et non l'inverse.

A Saint Pierre des Corps, il transforme, en association avec l'agence Construire, une friche culturelle, le Point Haut, occupée depuis 2001 par la compagnie Off et le pOlau-pôle des arts urbains. Ces derniers y fabriquent des décors, les stockent, conçoivent des spectacles, répètent. La réflexion sur la commande est au cœur de ses préoccupations. Répondre point par point à un programme venu d'en haut n'est pas la question, Patrick Bouchain préfère le co-construire avec les utilisateurs et les associer à l'élaboration du projet, de la conception à la réalisation. Plutôt que leur livrer un bâtiment rénové clef en main, il fabrique avec eux une plate forme-ressource pour accueillir dans de bonnes conditions une équipe mixte et s'insérer durablement dans un contexte. Celui-ci est une friche relativement ingrate, au milieu d'activités diverses, tout contre des voies ferroviaires. L'ambition de la communauté d'agglomération de Tour (s) plus et le talent de l'équipe de concepteurs font de cette démarche de requalification un modèle à suivre de toute urgence pour reconquérir ce patrimoine.

L'architecte met en oeuvre une méthode inédite avec un chantier culturel ouvert au public. Le chantier est toujours un temps entre parenthèses : pour des raisons de sécurité, on le cloisonne, on l'emprisonne, on le cache, alors qu'il est une démonstration de la fabrication du cadre de vie et une initiation à de multiples savoir-faire. Pas question ici de le dissimuler ou de le confisquer durant les travaux: il est une formidable école et doit s'ouvrir à tous au travers de visites, de conférences ou d'événements. On y développe ainsi une familiarité et un apprentissage permanent pour un public varié et curieux.

Au Point Haut, tout se mélange: architectes, paysagistes, ouvriers du bâtiment, artistes, visiteurs, écoliers ou étudiants. On y rentre comme dans un moulin, accueilli dans le coffee, un pavillon-bar en forme d'éventail, un bâtiment neuf, simple et élégant, par un étudiant architecte "en résidence ". C'est lui qui accompagnera les visiteurs pour la visite de chantier. C'est "la présence architecturale", un dispositif cher à Patrick Bouchain qui le déploie sur tous ses chantiers. Ainsi pour la réhabilitation de logements à Roubaix, une jeune architecte s'est installée pendant trois ans au milieu des habitants pour les aider et les accompagner, puisqu'une partie des travaux était réalisée par les résidents.

Autre singularité, personne ne porte de casque sur le chantier car, pour l'équipe de concepteurs, la sécurité est ailleurs, dans de bonnes conditions de travail, dans des espaces fluides et sans rupture, dans un respect permanent pour le travail d'autrui. Ils n'ont d'ailleurs jamais eu d'accidents à déplorer.

Enfin, on fonctionne à l'économie: on garde tout ce qui peut l'être, on réemploie, on recycle, on transforme. On laisse en état les murs et la charpente. En effet, "si le lieu convient à ceux qui l'occupent, il faut donc le reprendre et l'améliorer tout en gardant la trace de son passé industriel, faire dialoguer ce qu'il y avait avant : les grandes hauteurs, l'espace".Pour le traitement des terres polluées, il n'est pas question de reporter le problème chez le voisin en les envoyant ailleurs. Elles vont rester là et seront dépolluées sur place grâce à un travail de réparation minutieux confié à de jeunes paysagistes attentionnés.

Le Point Haut s'étale sur 3 400 m2. La grande halle est conservée. Aménagée comme une rue, avec des ateliers de part et d'autre, elle est surhaussée au milieu et coiffée d'un toit rouge ovale pour un effet signal visible sur Google... En face, le coffee et sur rue un petit immeuble réhabilité abrite des bureaux en rez-de-chaussée et des chambres pour les artistes en résidence courte. Rien de spectaculaire, donc, une architecture presque banale mais une autre façon de construire, une démarche socialement responsable, une pédagogie de tous les instants et des événements festifs réguliers pour associer les citadins. Dernier en date, "Entre chien et loup", un spectacle où se mélangeait ouvriers et artistes de la compagnie Off et pOlau, dans une belle chorégraphie autour de l'installation d'une grande poutre métallique qui marquait la levée de la charpente.

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Patrick Bouchain plaide pour que nous regardions autrement ces lieux délaissés et plutôt ordinaires, pour que nous inventions ensemble d'autres usages et ceci dès le chantier. En effet, grâce au chantier ouvert, le projet architectural change de nature: il devient l'affaire de tous, une histoire de transmission, un laboratoire de recyclage et d'économie plus solidaire, un objet vivant en perpétuelle évolution. A ses yeux, ce sont les ingrédients nécessaires à la fabrication d'un lieu plein d'urbanité. Mais il faut ajouter aussi, et c'est peut-être plus complexe, une bonne dose d'énergie, une grande disponibilité face à l'inattendu et une solide volonté de ne rien lâcher pour que tout reste possible...

Pour aller plus loin:
  • Le site web: Point Haut

  • Visite de chantier tous les jeudis à 17 heures

  • Prochaine rencontre : jeudi 15 mai à 18h: "A la frontière du réalisable et de l'impossible"  avec la participation de P. BOUCHAIN et RANDOM, collectif théâtral d'expériences urbaines, Lectoure (32).




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