UKRAINE - Dr. Ironfist contre Mr. Ianoukovitch. Il aurait pu s'agir du duel pour désigner le prochain président ukrainien. Mais trois mois de contestation à Kiev et la fuite de Viktor Ianoukovitch ont rebattu les cartes. S'il n'est pas exclu que le président déchu se présente aux élections anticipées, il devra quoiqu'il en soit composer avec un adversaire de taille.
Mardi 25 février, l'ex-champion du monde de boxe et codirigeant de la contestation, Vitali Klitschko, a annoncé qu'il sera candidat à la présidentielle anticipée en Ukraine du 25 mai. "Je suis convaincu qu'il faut changer complètement les principes et les règles du jeu en Ukraine, il faut rétablir la justice", a-t-il déclaré à des journalistes au parlement.
Lire aussi : Coincée entre la Russie et l'Union européenne, l'Ukraine de retour vers le passé
Déjà officialisée en octobre dernier au début de la crise lors d'une séance à la Verkhovna Rada (le Parlement ukrainien), la candidature de Vitali Klitschko à l'élection présidentielle (initialement prévue en mars 2015) n'est pas une surprise. Depuis trois mois, le boxeur a su profiter pour affirmer son leadership de la volte-face ukrainienne sur l'accord d'association avec l'Union européenne et de l’enfermement de Ioulia Timochenko, principale opposante de l'ancien régime.
Largement anticipée, la candidature officielle du boxeur était cependant précipitée par l'adoption d'une loi conspuée par l'opposition. Le texte avait été élaboré dans le cadre d'une réforme du code des impôts que l'UE a exigée de l'Ukraine en prévision de la signature de l'accord d'association.
L'amendement taxé de "provocation" par le camp Klitschko prévoyait que si une personne a un droit de résidence permanente dans un pays étranger, elle est considérée comme ne vivant pas en Ukraine. Or, la législation ukrainienne prévoit que les candidats à la présidentielle doivent résider en Ukraine durant les dix ans précédant l'élection. Vitali Klitschko, qui a un permis de séjour en Allemagne et y paie ses impôts, aurait ainsi pu être empêché de briguer la présidence. "Vous ne réussirez pas à m'intimider, ni à m'arrêter", prévenait le boxeur devant les députés qui venaient d'adopter la loi.
Lire aussi : Les défis qui attendent l'Ukraine
La candidature d'un boxeur plusieurs fois champion du monde face à l'autoritaire et critiqué président sortant piloté par Moscou... un remake de Rocky Balboa contre Ivan Drago observé avec attention par les diplomates.
Car la crise a déjà permis à Vitali Klitschko de s'attirer l'oreille des dirigeants européens. Le 20 février, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a d'ailleurs rencontré l'ancien boxeur. Il avait évoqué quelques semaines plus tôt "un homme singulier, qui a bâti sa fortune avec ses poings, réputé incorruptible, (...) et qui croit à la démocratie". "Il est normal de (le) rencontrer, puisque Mme Timochenko est en prison", avait dit le ministre des Affaires étrangères. Quelques jours avant, l'ancien boxeur avait déjà rencontré l'Allemande Angela Merkel et l'Américain John Kerry.
Lire aussi : Quel rôle pour la France dans le dossier ukrainien?
"En sport, les règles sont clairement édictées, expliquait le boxeur au Monde en juin dernier lors d'un passage à Paris. Leur violation provoque la disqualification. La politique ukrainienne, elle, ressemble à une bagarre sans règles."
Né au Kirghizstan, une ex-république soviétique où son père militaire était en poste à l'époque, Vitali Klitschko a aussi vécu en République tchèque dans les années 1980 avant de revenir en Ukraine avec sa famille. Mais c'est à Londres qu'il remportera son premier titre, en 1999 face au boxeur britannique Herbie Hide.
Regardez des images du combat :
Trois fois champion du monde des poids lourds, la catégorie reine de son sport, Vitali Klitschko a un palmarès aussi impressionnant que celui de son frère Vladimir, également champion du monde.
2,02 m pour 112 kilos, 45 victoires dont 41 par KO et seulement deux défaites, une boxe directe et efficace... le champion ukrainien tient la comparaison avec les plus grandes légendes de la boxe, note FTVI, parmi lesquelles les Américains Mohamed Ali et Evander Holyfield.
Après plusieurs blessures qui le tiennent éloignées des rings durant quatre ans, le colosse a récupéré sa ceinture de champion du monde WBC en 2008. Un titre qu'il a défendu à neuf reprises depuis, battant notamment le britannique Dereck Chisora à Munich en février 2012. En août dernier, il a toutefois dû renoncer à un combat face au Canadien Bermane Stiverne en raison d'une blessure à la main.
S'il n'organise pas rapidement une nouvelle rencontre, l'Ukrainien pourrait être déchu de son titre en 2014.
"Klitschko a de bonnes chances de gagner. Selon les derniers sondages [publiés avant la crise, ndlr] il serait deuxième après Ianoukovitch au premier tour mais il le battrait au second", déclarait à l'AFP le politologue ukrainien indépendant Volodymyr Fessenko. Selon lui, "on n'aurait pas vu tout ce jeu politique (au Parlement) si Klitschko n'avait pas été un concurrent sérieux de Ianoukovitch". "Aujourd'hui c'est sans aucun doute l'un des favoris", conclut l'expert. Au coude à coude avec le président sortant dans les sondages, le boxeur avait déjà créé la surprise en octobre 2012 quand son parti Udar (Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme), dont l'acronyme signifie "coup de poing", s'était placé en troisième position des élections législatives, remportant 13,95% des suffrages.
Pourfendeur de la corruption qui mine l'Ukraine, partisan d'un libéralisme mesuré et pro-européen notoire, Vitali Klitschko doit encore définir son programme, pour le moment réduit à une opposition méthodique et à quelques déclarations d'intention. Candidat malheureux à la mairie de Kiev en 2006, le boxeur a toutefois plusieurs atouts à faire valoir.
D'abord, il est nouveau en politique. Ce qui sonne comme un défaut en France où tout novice se verra taxer d'incompétence a de quoi séduire en Ukraine, un pays où affaires et politique ne font qu'un et où la plupart des élus ont une casserole à traîner. "La politique ukrainienne a besoin de quelqu'un de neuf, venu de l'extérieur, qui ne connaisse pas les règles et donc ne les respecte pas", disait Vitali Klitschko en 2012, cité par le JDD.
Ensuite, sa fortune est "propre". Avec un magot estimé à 50 millions d'euros, le boxeur est un cas à part en Ukraine: il n'a pas fait fortune grâce au gaz ou à l'énergie. De quoi attirer sur son nom les voix de millions d'électeurs excédés par les scandales et les affrontements des différents clans qui dirigent l'économie du pays.
Lire aussi : La politique ukrainienne expliquée par le foot
Enfin, Vitali Klitschko, s'il n'est pas son allié, a demandé avec insistance et constance la libération de la toujours très populaire Ioulia Timochenko, emprisonnée pour abus de pouvoir et visée par d'autres procédures judiciaires. En mai dernier, il avait rassemblé 15.000 personnes à Kiev pour exiger sa libération, effective le 22 février. L'ancien boxeur, néanmoins rival de l'ancienne Premier ministre pour le leadership moral de l'opposition ukrainienne pourrait ainsi profiter des déboires judiciaires et des ennuis de santé de l'ancienne égérie de la révolution orange, devenant la seule figure capable de battre Viktor Ianoukovitch en 2015.
Ses positions modérées lui ont toutefois parfois valu les huées des manifestants radicaux et il reste un piètre orateur. Certains doutent également de ses capacités à diriger un gouvernement, mais il apparaît comme un possible président de consensus, surtout après le retour à la Constitution de 2004, où les pouvoirs sont plus équitablement partagés entre chef d'Etat, gouvernement et Parlement.
Par ailleurs, il pourrait être reproché au boxeur (et aux autres figures de l'opposition) d'avoir signé un accord de sortie de crise avec Viktor Ianoukovitch malgré le bain de sang de Kiev. Un accord cependant rendu caduque dés le lendemain par la destitution du président ukrainien.
Mardi 25 février, l'ex-champion du monde de boxe et codirigeant de la contestation, Vitali Klitschko, a annoncé qu'il sera candidat à la présidentielle anticipée en Ukraine du 25 mai. "Je suis convaincu qu'il faut changer complètement les principes et les règles du jeu en Ukraine, il faut rétablir la justice", a-t-il déclaré à des journalistes au parlement.
Lire aussi : Coincée entre la Russie et l'Union européenne, l'Ukraine de retour vers le passé
Déjà officialisée en octobre dernier au début de la crise lors d'une séance à la Verkhovna Rada (le Parlement ukrainien), la candidature de Vitali Klitschko à l'élection présidentielle (initialement prévue en mars 2015) n'est pas une surprise. Depuis trois mois, le boxeur a su profiter pour affirmer son leadership de la volte-face ukrainienne sur l'accord d'association avec l'Union européenne et de l’enfermement de Ioulia Timochenko, principale opposante de l'ancien régime.
Largement anticipée, la candidature officielle du boxeur était cependant précipitée par l'adoption d'une loi conspuée par l'opposition. Le texte avait été élaboré dans le cadre d'une réforme du code des impôts que l'UE a exigée de l'Ukraine en prévision de la signature de l'accord d'association.
L'amendement taxé de "provocation" par le camp Klitschko prévoyait que si une personne a un droit de résidence permanente dans un pays étranger, elle est considérée comme ne vivant pas en Ukraine. Or, la législation ukrainienne prévoit que les candidats à la présidentielle doivent résider en Ukraine durant les dix ans précédant l'élection. Vitali Klitschko, qui a un permis de séjour en Allemagne et y paie ses impôts, aurait ainsi pu être empêché de briguer la présidence. "Vous ne réussirez pas à m'intimider, ni à m'arrêter", prévenait le boxeur devant les députés qui venaient d'adopter la loi.
Lire aussi : Les défis qui attendent l'Ukraine
La candidature d'un boxeur plusieurs fois champion du monde face à l'autoritaire et critiqué président sortant piloté par Moscou... un remake de Rocky Balboa contre Ivan Drago observé avec attention par les diplomates.
Car la crise a déjà permis à Vitali Klitschko de s'attirer l'oreille des dirigeants européens. Le 20 février, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a d'ailleurs rencontré l'ancien boxeur. Il avait évoqué quelques semaines plus tôt "un homme singulier, qui a bâti sa fortune avec ses poings, réputé incorruptible, (...) et qui croit à la démocratie". "Il est normal de (le) rencontrer, puisque Mme Timochenko est en prison", avait dit le ministre des Affaires étrangères. Quelques jours avant, l'ancien boxeur avait déjà rencontré l'Allemande Angela Merkel et l'Américain John Kerry.
Lire aussi : Quel rôle pour la France dans le dossier ukrainien?
À Kiev avec les leaders des principales forces d'opposition, dont MM. Klitschko, Iatseniouk et Tyahnybok pic.twitter.com/8Ygmik6RqO
— Laurent Fabius (@LaurentFabius) 20 Février 2014
En boxe, l'équivalent de Mohamed Ali
"En sport, les règles sont clairement édictées, expliquait le boxeur au Monde en juin dernier lors d'un passage à Paris. Leur violation provoque la disqualification. La politique ukrainienne, elle, ressemble à une bagarre sans règles."
Né au Kirghizstan, une ex-république soviétique où son père militaire était en poste à l'époque, Vitali Klitschko a aussi vécu en République tchèque dans les années 1980 avant de revenir en Ukraine avec sa famille. Mais c'est à Londres qu'il remportera son premier titre, en 1999 face au boxeur britannique Herbie Hide.
Regardez des images du combat :
Trois fois champion du monde des poids lourds, la catégorie reine de son sport, Vitali Klitschko a un palmarès aussi impressionnant que celui de son frère Vladimir, également champion du monde.
2,02 m pour 112 kilos, 45 victoires dont 41 par KO et seulement deux défaites, une boxe directe et efficace... le champion ukrainien tient la comparaison avec les plus grandes légendes de la boxe, note FTVI, parmi lesquelles les Américains Mohamed Ali et Evander Holyfield.
— Klitschko (@Klitschko) 4 Décembre 2013
Les frères Klitschko à Kiev lors des manifestations
Après plusieurs blessures qui le tiennent éloignées des rings durant quatre ans, le colosse a récupéré sa ceinture de champion du monde WBC en 2008. Un titre qu'il a défendu à neuf reprises depuis, battant notamment le britannique Dereck Chisora à Munich en février 2012. En août dernier, il a toutefois dû renoncer à un combat face au Canadien Bermane Stiverne en raison d'une blessure à la main.
S'il n'organise pas rapidement une nouvelle rencontre, l'Ukrainien pourrait être déchu de son titre en 2014.
En politique, celui de François Bayrou
"Klitschko a de bonnes chances de gagner. Selon les derniers sondages [publiés avant la crise, ndlr] il serait deuxième après Ianoukovitch au premier tour mais il le battrait au second", déclarait à l'AFP le politologue ukrainien indépendant Volodymyr Fessenko. Selon lui, "on n'aurait pas vu tout ce jeu politique (au Parlement) si Klitschko n'avait pas été un concurrent sérieux de Ianoukovitch". "Aujourd'hui c'est sans aucun doute l'un des favoris", conclut l'expert. Au coude à coude avec le président sortant dans les sondages, le boxeur avait déjà créé la surprise en octobre 2012 quand son parti Udar (Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme), dont l'acronyme signifie "coup de poing", s'était placé en troisième position des élections législatives, remportant 13,95% des suffrages.
Pourfendeur de la corruption qui mine l'Ukraine, partisan d'un libéralisme mesuré et pro-européen notoire, Vitali Klitschko doit encore définir son programme, pour le moment réduit à une opposition méthodique et à quelques déclarations d'intention. Candidat malheureux à la mairie de Kiev en 2006, le boxeur a toutefois plusieurs atouts à faire valoir.
D'abord, il est nouveau en politique. Ce qui sonne comme un défaut en France où tout novice se verra taxer d'incompétence a de quoi séduire en Ukraine, un pays où affaires et politique ne font qu'un et où la plupart des élus ont une casserole à traîner. "La politique ukrainienne a besoin de quelqu'un de neuf, venu de l'extérieur, qui ne connaisse pas les règles et donc ne les respecte pas", disait Vitali Klitschko en 2012, cité par le JDD.
Ensuite, sa fortune est "propre". Avec un magot estimé à 50 millions d'euros, le boxeur est un cas à part en Ukraine: il n'a pas fait fortune grâce au gaz ou à l'énergie. De quoi attirer sur son nom les voix de millions d'électeurs excédés par les scandales et les affrontements des différents clans qui dirigent l'économie du pays.
Lire aussi : La politique ukrainienne expliquée par le foot
Enfin, Vitali Klitschko, s'il n'est pas son allié, a demandé avec insistance et constance la libération de la toujours très populaire Ioulia Timochenko, emprisonnée pour abus de pouvoir et visée par d'autres procédures judiciaires. En mai dernier, il avait rassemblé 15.000 personnes à Kiev pour exiger sa libération, effective le 22 février. L'ancien boxeur, néanmoins rival de l'ancienne Premier ministre pour le leadership moral de l'opposition ukrainienne pourrait ainsi profiter des déboires judiciaires et des ennuis de santé de l'ancienne égérie de la révolution orange, devenant la seule figure capable de battre Viktor Ianoukovitch en 2015.
Ses positions modérées lui ont toutefois parfois valu les huées des manifestants radicaux et il reste un piètre orateur. Certains doutent également de ses capacités à diriger un gouvernement, mais il apparaît comme un possible président de consensus, surtout après le retour à la Constitution de 2004, où les pouvoirs sont plus équitablement partagés entre chef d'Etat, gouvernement et Parlement.
Par ailleurs, il pourrait être reproché au boxeur (et aux autres figures de l'opposition) d'avoir signé un accord de sortie de crise avec Viktor Ianoukovitch malgré le bain de sang de Kiev. Un accord cependant rendu caduque dés le lendemain par la destitution du président ukrainien.
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