Il est beau ce mot, n'est-ce pas ? Il désigne la connaissance de la chasse au chien courant, (du grec kynos, « de chien ») et de la chasse en général. Originaire et résident du département le plus dense en chasseurs, la Gironde (43000 cartes), le terme de cynégétique me parle. Avec, comme en écho, des coups de feu claquant dans les vignes ou dans les pins.
Je suis toujours étonné de la variété des mots, images et euphémismes qui entourent la chasse, cette belle « activité de loisir », selon le cliché souvent utilisé. Noble activité, devrais-je écrire. Comme dans Sud-Ouest où l'on pèse ses mots avec soin dès qu'on écrit sur la chasse. On peut y lire des articles entiers sur le sujet sans que le mot ne soit utilisé plus d'une ou deux fois. C'est une « activité traditionnelle », « un loisir régional », voire même un sport. On ne dit pas « aller chasser », on dit « aller dégourdir les pattes de son chien ». On ne dit pas « tuer des animaux » on dit faire des « prélèvements » sur « des populations ». Prélever évoque des hordes croissant hors de toute proportion si l'on n'y met bon ordre. Et certes, les chevreuils rongent les bourgeons, abiment les vignes; les sangliers détruisent les cultures et labourent les jardins. Ils sont classés « nuisibles », comme les renards. Quand des « battues administratives » sont organisées, ça ne rigole pas. Vous verriez le sérieux qui y préside parmi les vestes jaune fluo. Quoique... j'aie parfois l'impression que les participants aux battues passent plus de temps à rassembler leurs chiens partis au loin, ou à boire des coups pour se réchauffer, qu'à traquer les gros nuisibles. Ce n'est qu'une impression sans doute injuste. Au cœur de l'hiver, quand il est facile de repérer les chevreuils grâce à leurs traces dans la neige, on voit en effet les chasseurs bouger plus volontiers.
Mais revenons aux mots. Les journalistes localiers de mon cher Sud-Ouest qualifient souvent les chasseurs de Nemrod, du nom du petit fils de Cham, « chasseur héroïque devant l'Éternel » cité dans la Genèse (10, v.9). Parler de Nemrod est une forme de métonymie appelée antonomase ; comme lorsqu'on écrit un hercule de foire ou une vénus de boite de nuit. Ce genre de figure de rhétorique a de l'allure. Presque trop, parfois. Ainsi dimanche dernier ai-je eu le énième accrochage avec un Nemrod, tout de kaki vêtu cette fois (jusqu'aux shorts), passant vraiment trop près de ma maison avec son gros fusil à répétition. Il ne comprenait pas pourquoi je souhaitais le voir partir loin. Non, vraiment. Respecter la règle de ne pas promener son fusil à moins de 150 m d'une habitation ? Passer avec son gros calibre à deux mètres de la balançoire ? Où est le problème en cette terre girondine de tradition et de noble loisir immémorial? « Mais voyons, me répétait-il accroché à son calibre, y faut pas avoir peur des chasseurs ». Vrai: l'an dernier on n'a déploré qu'une dizaine d'accidents de chasse en Gironde, « la plupart dus à la négligence » selon l'hebdomadaire local Le Républicain. On est rassuré, c'était juste de la négligence, pas de la malfaisance... « Faut pas avoir peur des chasseurs » me serinait mon visiteur indésirable. Mais je n'ai pas peur des chasseurs, Nemrod, je suis né au milieu d'eux. Simplement, je ne parle pas à un homme armé qui vient sur mon terrain. Et a le front de demander si j'en suis le propriétaire.
Cette petite algarade était d'autant plus piquante que quelques minutes plus tôt, sur ce même bout de terre était venu picorer l'une de ces poules faisanes d'élevage fraichement lâchée (de la veille) qui cherchait près de ma maison un peu du grain dont elle a appris à être friand. Cette brave "cocotte", comme les appelait mon grand-père, a développé, à l'instar de tous ses congénères destinés au tir tendu de « l'activité de loisir », des réflexes domestiques: elle s'approche de l'homme nourricier. Si elle était tombée sur mon Nemrod en tenue Leclerc Loisirs, il l'aurait truffée de plomb à défaut de grains, et à bout portant encore. Puis le chien aurait été la chercher... dans la plus pure tradition cynégétique. Une bien belle scène... non ?
Une prochaine fois je vous parlerai des palombières, ce qu'on y mange, ce qu'on y boit et ce qu'on y tire...
Je suis toujours étonné de la variété des mots, images et euphémismes qui entourent la chasse, cette belle « activité de loisir », selon le cliché souvent utilisé. Noble activité, devrais-je écrire. Comme dans Sud-Ouest où l'on pèse ses mots avec soin dès qu'on écrit sur la chasse. On peut y lire des articles entiers sur le sujet sans que le mot ne soit utilisé plus d'une ou deux fois. C'est une « activité traditionnelle », « un loisir régional », voire même un sport. On ne dit pas « aller chasser », on dit « aller dégourdir les pattes de son chien ». On ne dit pas « tuer des animaux » on dit faire des « prélèvements » sur « des populations ». Prélever évoque des hordes croissant hors de toute proportion si l'on n'y met bon ordre. Et certes, les chevreuils rongent les bourgeons, abiment les vignes; les sangliers détruisent les cultures et labourent les jardins. Ils sont classés « nuisibles », comme les renards. Quand des « battues administratives » sont organisées, ça ne rigole pas. Vous verriez le sérieux qui y préside parmi les vestes jaune fluo. Quoique... j'aie parfois l'impression que les participants aux battues passent plus de temps à rassembler leurs chiens partis au loin, ou à boire des coups pour se réchauffer, qu'à traquer les gros nuisibles. Ce n'est qu'une impression sans doute injuste. Au cœur de l'hiver, quand il est facile de repérer les chevreuils grâce à leurs traces dans la neige, on voit en effet les chasseurs bouger plus volontiers.
Mais revenons aux mots. Les journalistes localiers de mon cher Sud-Ouest qualifient souvent les chasseurs de Nemrod, du nom du petit fils de Cham, « chasseur héroïque devant l'Éternel » cité dans la Genèse (10, v.9). Parler de Nemrod est une forme de métonymie appelée antonomase ; comme lorsqu'on écrit un hercule de foire ou une vénus de boite de nuit. Ce genre de figure de rhétorique a de l'allure. Presque trop, parfois. Ainsi dimanche dernier ai-je eu le énième accrochage avec un Nemrod, tout de kaki vêtu cette fois (jusqu'aux shorts), passant vraiment trop près de ma maison avec son gros fusil à répétition. Il ne comprenait pas pourquoi je souhaitais le voir partir loin. Non, vraiment. Respecter la règle de ne pas promener son fusil à moins de 150 m d'une habitation ? Passer avec son gros calibre à deux mètres de la balançoire ? Où est le problème en cette terre girondine de tradition et de noble loisir immémorial? « Mais voyons, me répétait-il accroché à son calibre, y faut pas avoir peur des chasseurs ». Vrai: l'an dernier on n'a déploré qu'une dizaine d'accidents de chasse en Gironde, « la plupart dus à la négligence » selon l'hebdomadaire local Le Républicain. On est rassuré, c'était juste de la négligence, pas de la malfaisance... « Faut pas avoir peur des chasseurs » me serinait mon visiteur indésirable. Mais je n'ai pas peur des chasseurs, Nemrod, je suis né au milieu d'eux. Simplement, je ne parle pas à un homme armé qui vient sur mon terrain. Et a le front de demander si j'en suis le propriétaire.
Cette petite algarade était d'autant plus piquante que quelques minutes plus tôt, sur ce même bout de terre était venu picorer l'une de ces poules faisanes d'élevage fraichement lâchée (de la veille) qui cherchait près de ma maison un peu du grain dont elle a appris à être friand. Cette brave "cocotte", comme les appelait mon grand-père, a développé, à l'instar de tous ses congénères destinés au tir tendu de « l'activité de loisir », des réflexes domestiques: elle s'approche de l'homme nourricier. Si elle était tombée sur mon Nemrod en tenue Leclerc Loisirs, il l'aurait truffée de plomb à défaut de grains, et à bout portant encore. Puis le chien aurait été la chercher... dans la plus pure tradition cynégétique. Une bien belle scène... non ?
Une prochaine fois je vous parlerai des palombières, ce qu'on y mange, ce qu'on y boit et ce qu'on y tire...
Didier Pourquery est l'auteur du livre "Les mots de l'époque", aux éditions Le Monde, qui rassemble ses plus belles chroniques.
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