GASTRONOMIE - La gastronomie française n'a pas évolué avec son temps. Figée, vieillissante, chichiteuse, grandiloquente, elle paraît bien terne par rapport à la fraîcheur de la cuisine italienne, à l'originalité de la cuisine espagnole ou au renouveau de la cuisine anglaise. Et on ne parle pas de la cuisine japonaise, thaï, indienne ni même mexicaine.
À en croire Matthew Norman, journaliste au Telegraph, "la cuisine française a entamé sa descente" vers la fin des années 80. Et depuis? Pas de retour à l'horizon. Du moins, c'est l'idée que tout le monde s'en fait. Les chiffres vont d'ailleurs dans ce sens. Vendredi 26, samedi 27 et dimanche 28 septembre à l'initiative du ministère du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire, de nombreuses manifestations sont organisées sur tout le territoire pour mettre en avant la gastronomie française. Un secteur économique important, un rayonnement culturel à préserver, comme l'explique la secrétaire d'État Carole Delga.
La France en bas des classements
C'est un classement très décrié, surtout en France. Tous les ans, le magazine anglais Restaurant publie la liste des cinquante meilleurs restaurants du monde. Classement dans lequel, année après année, la France recule face aux établissements nordiques, espagnols, anglais, américains et italiens qui se partagent les dix premières places. Tous les ans, le refrain des critiques et des chefs français reste le même, le classement est jugé "loufoque" par certains chefs quand des critiques comme Franck Pinay-Rabarous, d'A Tabula dénoncent "l'opacité totale qui règne à tous les niveaux". Copinage et fonctionnement mystérieux, ce classement fait en tout cas autorité dans la gastronomie mondiale.
Ce n'est pas le seul classement que la France ne domine pas. On peut citer, celui des meilleures écoles de cuisine du monde où la seule école française, l'école hôtelière Vatel est surclassée par des établissements suisses en grande majorité et n'arrive qu'à la 7e place. Ou encore, celui des villes au plus grand nombre d'étoiles du guide Michelin, où Tokyo devance Paris avec 15 restaurants 3 étoiles contre 10 pour la Capitale. Et même le classement des 10 chefs les plus riches au monde, où le seul français du classement, Alain Ducasse, n'arrive que 6e. Si l'on se fit aux seuls chiffres donc, la gastronomie française s'est depuis longtemps fait devancer.
Plus qu'un coup de fourchette, un art de vivre
Mais il serait un peu facile de rayer la France aussi vite du menu. Ce serait oublier que la gastronomie française a historiquement imposé de nombreux codes qui régissent aujourd'hui encore le monde de la cuisine. "La France a dominé la gastronomie mondiale du XVIIe siècle jusque dans les années 70", explique Patrick Rambourg, historien des pratiques culinaires et alimentaires interrogé par Le HuffPost. "C'est la France qui a construit la pratique culinaire, qui a codifié le modèle actuel", poursuit-il encore. Cette hégémonie est toujours présente, en particulier dans l'enseignement de la cuisine. Quand en 2010, le repas gastronomique des Français est entré au patrimoine immatériel de l'Unesco, les détracteurs de la cuisine française y ont vu le signe évident que la fin était proche. L'institution mondiale décrit plus qu'un coup de fourchette, un art de vivre durablement installé :
"La cuisine française est loin d'être figée, s'agace Patrick Rambourg, elle est encore très dynamique". Il en tient pour preuve sa constante évolution. Première grande évolution au XVIe siècle, on troque l'épicé très en vogue au Moyen-Âge pour le sucré. Au siècle suivant, il s'agit de retrouver "le vrai goût des aliments" comme l'explique Patrick Rambourg. Le XVIIIe voit l'avènement d'une 'nouvelle cuisine', l'art culinaire français est créé. Plus près de nous, "dans les années qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, la cuisine française est devenue plus roborative, les plats se sont faits plus riches pour combler les manques ressentis pendant la guerre. Puis dans les décennies suivantes, la cuisine française s'allège, on prend plus en compte le corps". C'est l'apogée de la "nouvelle cuisine".
Plus facile de manger italien que français à l'étranger
L'évolution ne s'est pas arrêtée dans les années 70 et 80. Cela a commencé par la bistronomie, un mouvement de fond poussé par des chefs français : "certains des jeunes chefs français les plus talentueux de la capitale ont renoncé à la chasse aux étoiles Michelin pour ouvrir des bistrots sans prétention servant de la cuisine haut de gamme à des prix modérés" expliquait le New York Times en mars dernier.
Mais le salut de la cuisine française est aussi venu de l'étranger, grâce à des chefs américains, australiens ou encore japonais. "La cuisine française n'appartient plus exclusivement aux Français", avançait dans ce même article le quotidien américain. À l'image de l'Américain Daniel Rose et son restaurant Spring dans le 1er arrondissement ou de l'Australien James Henry aux commandes du Bones dans le 11 arrondissement de la capitale qui ont su faire la synthèse entre leurs racines anglo-saxonnes et la tradition française. Les chefs japonais ont aussi joué un rôle prépondérant dans le renouveau de la cuisine française. L’Ourson qui boit à Lyon, Miyabi à Sens, Les Deux Canailles à Nice, Le Pavillon de la Tourelle à Vanves, ou encore Abri et Le Sot l’y Laisse à Paris, la liste des établissements franco-nippons est longue. Comme le rappelait le guide Michelin en 2013, on compte 17 chefs japonais étoilés dans l'Hexagone. Sur ces 17, seuls deux chefs proposent une cuisine 100 % nippone.
Si la gastronomie française est loin d'être enterrée, force est de constater qu'elle ne suit pas la même trajectoire que sa dynamique cousine italienne. La cuisine française qui s'est expatriée n'est pas la même que celle que nous mangeons tous les jours en France. À l'étranger, les restaurants français servent une cuisine raffinée loin des trattorias et pizzerias populaires italiennes. Au menu, des cuisses de grenouilles et des escargots, ainsi, la cuisine française n'a jamais été "populaire". La bistronomie peine à dépasser nos frontières. Alors que les Italiens qui ont émigré en Europe et aux États-Unis ont apporté dans leurs valises pizza et pâtes, des mets faciles à faire avec les ingrédients locaux, faciles aussi à décliner sans perdre de leur saveur.
Mais la bataille est loin d'être terminée, la France n'a pas dit son dernier mot. Comme l'explique le journal italien L'espresso en juin 2014 traduit dans le dernier hors série de Courrier International, "la vraie bataille entre la France et l'Italie, c'est à Manhattan qu'elle se joue". Sur la 5e avenue trône fièrement un magnifique et immense supermarché haut de gamme à la gloire de l'Italie, Eataly (qui devrait s'implanter en France d'ici 2015). Pour le concurrencer, sur le même modèle, le magasin District va être lancé avant la fin de l'année par deux entrepreneurs dont Peter Poulakakos, un restaurateur d'origine grecque. La cuisine française n'a pas de frontière.
À en croire Matthew Norman, journaliste au Telegraph, "la cuisine française a entamé sa descente" vers la fin des années 80. Et depuis? Pas de retour à l'horizon. Du moins, c'est l'idée que tout le monde s'en fait. Les chiffres vont d'ailleurs dans ce sens. Vendredi 26, samedi 27 et dimanche 28 septembre à l'initiative du ministère du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire, de nombreuses manifestations sont organisées sur tout le territoire pour mettre en avant la gastronomie française. Un secteur économique important, un rayonnement culturel à préserver, comme l'explique la secrétaire d'État Carole Delga.
La France en bas des classements
C'est un classement très décrié, surtout en France. Tous les ans, le magazine anglais Restaurant publie la liste des cinquante meilleurs restaurants du monde. Classement dans lequel, année après année, la France recule face aux établissements nordiques, espagnols, anglais, américains et italiens qui se partagent les dix premières places. Tous les ans, le refrain des critiques et des chefs français reste le même, le classement est jugé "loufoque" par certains chefs quand des critiques comme Franck Pinay-Rabarous, d'A Tabula dénoncent "l'opacité totale qui règne à tous les niveaux". Copinage et fonctionnement mystérieux, ce classement fait en tout cas autorité dans la gastronomie mondiale.
Ce n'est pas le seul classement que la France ne domine pas. On peut citer, celui des meilleures écoles de cuisine du monde où la seule école française, l'école hôtelière Vatel est surclassée par des établissements suisses en grande majorité et n'arrive qu'à la 7e place. Ou encore, celui des villes au plus grand nombre d'étoiles du guide Michelin, où Tokyo devance Paris avec 15 restaurants 3 étoiles contre 10 pour la Capitale. Et même le classement des 10 chefs les plus riches au monde, où le seul français du classement, Alain Ducasse, n'arrive que 6e. Si l'on se fit aux seuls chiffres donc, la gastronomie française s'est depuis longtemps fait devancer.
Plus qu'un coup de fourchette, un art de vivre
Mais il serait un peu facile de rayer la France aussi vite du menu. Ce serait oublier que la gastronomie française a historiquement imposé de nombreux codes qui régissent aujourd'hui encore le monde de la cuisine. "La France a dominé la gastronomie mondiale du XVIIe siècle jusque dans les années 70", explique Patrick Rambourg, historien des pratiques culinaires et alimentaires interrogé par Le HuffPost. "C'est la France qui a construit la pratique culinaire, qui a codifié le modèle actuel", poursuit-il encore. Cette hégémonie est toujours présente, en particulier dans l'enseignement de la cuisine. Quand en 2010, le repas gastronomique des Français est entré au patrimoine immatériel de l'Unesco, les détracteurs de la cuisine française y ont vu le signe évident que la fin était proche. L'institution mondiale décrit plus qu'un coup de fourchette, un art de vivre durablement installé :
Le repas gastronomique des Français est une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Il s’agit d’un repas festif dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l’art du "bien manger" et du "bien boire". Le repas gastronomique met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature. Parmi ses composantes importantes figurent : le choix attentif des mets parmi un corpus de recettes qui ne cesse de s’enrichir ; l’achat de bons produits, de préférence locaux, dont les saveurs s’accordent bien ensemble ; le mariage entre mets et vins ; la décoration de la table ; et une gestuelle spécifique pendant la dégustation (humer et goûter ce qui est servi à table). Le repas gastronomique doit respecter un schéma bien arrêté : il commence par un apéritif et se termine par un digestif, avec entre les deux au moins quatre plats, à savoir une entrée, du poisson et/ou de la viande avec des légumes, du fromage et un dessert.
"La cuisine française est loin d'être figée, s'agace Patrick Rambourg, elle est encore très dynamique". Il en tient pour preuve sa constante évolution. Première grande évolution au XVIe siècle, on troque l'épicé très en vogue au Moyen-Âge pour le sucré. Au siècle suivant, il s'agit de retrouver "le vrai goût des aliments" comme l'explique Patrick Rambourg. Le XVIIIe voit l'avènement d'une 'nouvelle cuisine', l'art culinaire français est créé. Plus près de nous, "dans les années qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, la cuisine française est devenue plus roborative, les plats se sont faits plus riches pour combler les manques ressentis pendant la guerre. Puis dans les décennies suivantes, la cuisine française s'allège, on prend plus en compte le corps". C'est l'apogée de la "nouvelle cuisine".
Plus facile de manger italien que français à l'étranger
L'évolution ne s'est pas arrêtée dans les années 70 et 80. Cela a commencé par la bistronomie, un mouvement de fond poussé par des chefs français : "certains des jeunes chefs français les plus talentueux de la capitale ont renoncé à la chasse aux étoiles Michelin pour ouvrir des bistrots sans prétention servant de la cuisine haut de gamme à des prix modérés" expliquait le New York Times en mars dernier.
Mais le salut de la cuisine française est aussi venu de l'étranger, grâce à des chefs américains, australiens ou encore japonais. "La cuisine française n'appartient plus exclusivement aux Français", avançait dans ce même article le quotidien américain. À l'image de l'Américain Daniel Rose et son restaurant Spring dans le 1er arrondissement ou de l'Australien James Henry aux commandes du Bones dans le 11 arrondissement de la capitale qui ont su faire la synthèse entre leurs racines anglo-saxonnes et la tradition française. Les chefs japonais ont aussi joué un rôle prépondérant dans le renouveau de la cuisine française. L’Ourson qui boit à Lyon, Miyabi à Sens, Les Deux Canailles à Nice, Le Pavillon de la Tourelle à Vanves, ou encore Abri et Le Sot l’y Laisse à Paris, la liste des établissements franco-nippons est longue. Comme le rappelait le guide Michelin en 2013, on compte 17 chefs japonais étoilés dans l'Hexagone. Sur ces 17, seuls deux chefs proposent une cuisine 100 % nippone.
Si la gastronomie française est loin d'être enterrée, force est de constater qu'elle ne suit pas la même trajectoire que sa dynamique cousine italienne. La cuisine française qui s'est expatriée n'est pas la même que celle que nous mangeons tous les jours en France. À l'étranger, les restaurants français servent une cuisine raffinée loin des trattorias et pizzerias populaires italiennes. Au menu, des cuisses de grenouilles et des escargots, ainsi, la cuisine française n'a jamais été "populaire". La bistronomie peine à dépasser nos frontières. Alors que les Italiens qui ont émigré en Europe et aux États-Unis ont apporté dans leurs valises pizza et pâtes, des mets faciles à faire avec les ingrédients locaux, faciles aussi à décliner sans perdre de leur saveur.
Mais la bataille est loin d'être terminée, la France n'a pas dit son dernier mot. Comme l'explique le journal italien L'espresso en juin 2014 traduit dans le dernier hors série de Courrier International, "la vraie bataille entre la France et l'Italie, c'est à Manhattan qu'elle se joue". Sur la 5e avenue trône fièrement un magnifique et immense supermarché haut de gamme à la gloire de l'Italie, Eataly (qui devrait s'implanter en France d'ici 2015). Pour le concurrencer, sur le même modèle, le magasin District va être lancé avant la fin de l'année par deux entrepreneurs dont Peter Poulakakos, un restaurateur d'origine grecque. La cuisine française n'a pas de frontière.
LIRE AUSSI :
» Alain Ducasse : son passé, ses goûts, ses proches, 13 choses que vous ignoriez sur le chef
» Trop d'emballages? Prenez vos bocaux et allez à La Recharge à Bordeaux
» World's 50 Best Restaurants: un classement sournoisement francophobe
» Soyons les ambassadeurs de notre gastronomie!
» 14 plats que l'on trouve dans les restaurants chinois qui ne sont pas chinois
Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Pour suivre les dernières actualités en direct, cliquez ici.