Quantcast
Channel: Le Huffington Post
Viewing all articles
Browse latest Browse all 121847

Violences conjugales: pour en finir avec le silence

$
0
0
Lorsqu'on subit de la violence -celle de mon mari en ce qui me concerne- on se tait. La honte, bien sûr, empêche de parler. Mais pas seulement. On se tait aussi parce qu'on est stupéfié. Et cette stupéfaction nous rend muets.

Il faut du temps pour retrouver la parole. Moi, il m'aura fallu sept ans. Il m'aura même fallu quitter ma ville, partir à des milliers de kilomètres. M'exiler en quelque sorte.

Là, peu à peu, j'ai senti les forces me revenir. Avec les forces m'est revenue l'envie de dire, de témoigner, de me révolter. Non, je n'avais pas pu vivre cette histoire pour rien! Non, d'autres femmes ne devaient pas la vivre! Jamais.

Lire aussi:
Le téléphone d'urgence pour femmes battues généralisé dans toute la France
Violence conjugale: aucune femme n'est à l'abri, même les princesses Disney
Il était une fois le "crime passionnel"


Très vite, j'ai trouvé le titre du livre que j'écrirai. Manque de sang. Car, dans mon histoire, tout repose sur ce manque-là: manque de blessures qui auraient saignées, manque de coups qui se seraient vus à l'œil nu. J'étais victime de violences dites psychologiques. Et qui? Qui pouvait les déceler?

J'attendais de la justice qu'elle joue ce rôle. Elle ne l'a pas fait. Lorsque la justice et ses instances ont jugé la plainte que j'avais eu toute la peine du monde à déposer, elles m'ont au contraire abattue. À une époque où les femmes croient être soutenues contre des maris violents, j'ai vécu l'inverse. Et je crois aujourd'hui que c'est ma plus grande colère. Ma plus grande tristesse également.

Cette colère et cette tristesse ne m'ont jamais quittée durant l'écriture du livre. Parfois, j'ai été gagnée par le découragement. À quoi bon revivre tout cela? À quoi bon ajouter de l'horreur dans un monde qui en est déjà empli? Puis l'élan revenait; quand je pensais qu'au moment même où je me décourageais, d'autres femmes étaient peut-être prostrées et attendaient qu'une main vienne les secourir.

Ce livre est la main que je leur tends.

J'espère, j'espère de toutes mes forces qu'au-delà de mon histoire personnelle, que ce livre permettra d'ouvrir des réflexions sur la violence conjugale psychologique. Je ne prétends cependant pas représenter un paradigme. Comme tout témoignage, il est unique. J'aimerais d'ailleurs croire qu'il l'est.

Mais est-ce le cas? D'autres femmes ont-elles été psychologiquement terrorisées par leur mari puis abattues par la justice? Je n'ai pas fait de recherches sociologiques à ce sujet, m'en tenant à mon vécu. Aujourd'hui pourtant, j'aimerais savoir. Alors si ce livre délie des langues, j'en serai heureuse, et peut-être même un petit peu fière.

2014-09-23-manquedesang.jpg

Isabelle Magnan, Manque de sang, Editions de La Martinière

Parution le 25 septembre 2014


Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.


Pour suivre les dernières actualités en direct, cliquez ici.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 121847

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>