Ce qui se joue actuellement au Pakistan est intéressant. Deux partis politiques, un Etat. L'Etat est actuellement mené par le parti ayant obtenu la majorité au Penjab lors des dernières élections, la Ligue Musulmane "N". Cette dernière avait détrôné le mari de la fille de Zulfi Bhutto (comme l'écrit si bien Stanley Wolpert), Asif Ali Zardari. Or, les élections sont justement aujourd'hui le nerf de la guerre.
Des élections truquées?
Ce que reprochent les deux partis politiques qui se sont lancés dans un mouvement de contestation vis-à-vis de l'Etat c'est que les dernières élections ont été largement instrumentalisées par la Ligue Musulmane "N" et que, comme conséquence de cette fraude électorale sans précédent, le gouvernement pakistanais devrait se déclarer démissionnaire.
Reste que les choses ne sont pas aussi simples que l'on veut bien le faire croire. D'abord, Tahir ul Qadri, une personne qui avait demandé la nationalité canadienne et qui est revenue au Pakistan pour des raisons purement politiques et opportunistes, a vu son parti, le Pakistan Awami Tehreek, être déclaré comme un parti proscrit au Pakistan. La rhétorique est désormais toujours la même: le Pakistan étant basé sur l'idéologie d'un islam fédérateur, chaque chef religieux y va de son commentaire. Tahir ul Qadri, estimant qu'il est le plus à même de représenter l'islam au Pakistan, déclame des discours enflammés et utilise un champ lexical bien rodé: "islam, martyrs, assassinats, paradis". Cette indécence des discours politiques qui instrumentalisent la religion est telle qu'ils sont prononcés devant le corps de la personne qui attend son enterrement.
Comme je le précise dans un "L'Ahmadiyya: un Islam interdit", le fait religieux est largement instrumentalisé à des fins politiques. De cette façon, il est difficile de voir ne serait-ce qu'une once de religion dans ce que Tahir ul Qadri déclare. Mais ce dernier n'est pas le seul à faire une campagne contre le gouvernement. Le fameux joueur de cricket, Imran Khan, lequel avait créé le parti Pakistan Tehrikh-e-Insaaf (parti qui se veut moderne et progressiste), s'est également rangé auprès du Pakistan Awami Tehreek. Toutefois, lorsqu'on pose la question d'une coalition entre les deux partis, la réponse d'Imran Khan est sans appel: "non", affirme-t-il.
Le printemps pakistanais?
Le Pakistan Tehrikh-e-Insaaf appelle cette marche la Azadi March, ou la marche vers la liberté. Pendant les débats houleux qui ont précédé l'établissement et la décision de cette marche vers la liberté, les membres du parti d'Imran Khan ont clairement affirmé qu'une résistance serait opérée à l'égard des forces de l'ordre qui tenteraient d'emprisonner toute personne du comité exécutif ou le président du parti lui-même. Cette revendication se base sur la résistance à l'oppression, nous dira-t-on.
Tous ces désordres qui traversent le Pakistan ont nécessairement une cause, une raison. En l'absence de comité chargé d'instruire sur la base d'une enquête judiciaire, nous ne pouvons préjuger d'une fraude aux élections même si les probabilités restent très élevées compte tenu des clichés vidéos qui ont circulé sur les plateaux des différents talk shows pakistanais. Mais la prudence reste de mise, comme toujours dans les analyses ayant trait à la situation du Pakistan. Aucune vérité ne peut être affirmée de manière ferme.
La réponse du Gouvernement, qui a gardé le silence pendant plusieurs jours, a été de mettre en place une commission composée de magistrats de l'ordre judiciaire afin qu'elle établisse un rapport indépendant. Mais voilà, l'indépendance va être le nerf de la guerre. Les deux partis ne vont pas hésiter à fustiger le Gouvernement d'y avoir placé ses pions et dans l'hypothèse où d'autres membres des partis périphériques seront inclus dans la commission, aucune décision concrète ne sera adoptée.
Il s'agit d'une heure cruciale pour le Pakistan. A l'heure où j'écris ce billet, la Lahore High Court , une Cour Provinciale, est en train d'analyser la pétition déposer par un citoyen du Pakistan craignant que cette marche pour la paix déclenche l'anarchie au Pakistan. Trois juges Justice Khalid Mehmood Khan, Justice Shahid Hameed et Justice Anwarul Haq estiment déjà que des sanctions devraient être prises à l'encontre d'Imran Khan.
Azadi March pour le Azadi Day
Le 15 août 1947 marque le jour d'indépendance du Pakistan ce qui pays qui répondait à une volonté des musulmans de constituer leur propre pays afin de ne pas tomber sous la houlette du nationalisme hindou. C'est ce jour-là que la Marche vers la Paix devra se tenir. Cette indépendance, en 1947 avait été largement menée par Muhammad Ali Jinnah que l'on nomme volontiers le Qaid-e-Azam (Père de la Nation) et a été acquise afin d'établir un Pakistan juste et surtout un Pakistan en phase avec l'ensemble des principes islamiques.
Malheureusement, et nous dressons ce constat chaque année, le Pakistan est tout sauf le cadeau attendu. Pourtant, l'emballage était intéressant. Mais la défectuosité du cadeau trouve son origine dans de multiples facteurs de compréhension. D'abord, son histoire a été ponctuée d'un retour des militaires au pouvoir (et la situation actuelle fait penser que les militaires pourraient revenir tant les tensions atteignent leur apogée), et surtout d'injustices et de corruption.
A mes yeux, la plus grande injustice du Pakistan réside dans le traitement des minorités - qu'il s'agisse de la minorité chrétienne, hindoue, sikh ou ahmadie. N'oublions pas les événements récents. D'abord, l'assassinat ouvert d'un Sikh à Peshawar aux motifs, totalement inventés, qu'il était un "agent de l'Inde". Ensuite, l'assassinat de deux jeunes filles, d'un enfant non encore né et d'une femme de plus de 50 ans issus de la minorité musulmane ahmadie.
La Marche vers la Liberté sera exsangue si elle n'aboutit pas à une liberté pour tous, incluant les minorités. Or, nous savons les propos qu'ont tenu tant Imran Khan que Tahir ul Qadri sur les ahmadis. N'oublions pas non plus que l'histoire se répète constamment et que tant qu'une vraie justice ne sera pas instaurée au Pakistan, les institutions resteront dans un statut quo, les investissements internationaux seront toujours gelés et le Pakistan souffrira toujours d'une réputation de pays des extrêmes.
Mais nous espérons que ce pays pourra s'en sortir. Il contient des richesses culturelles et cultuelles. Nous espérons réellement, comme chaque année, que cette journée du 15 août 2014 sera le signe d'une reconnaissance plus profonde des minorités et un rétablissement de la justice absolue plutôt qu'un assombrissement de ses lendemains qui s'annoncent déjà très tumultueux.
Des élections truquées?
Ce que reprochent les deux partis politiques qui se sont lancés dans un mouvement de contestation vis-à-vis de l'Etat c'est que les dernières élections ont été largement instrumentalisées par la Ligue Musulmane "N" et que, comme conséquence de cette fraude électorale sans précédent, le gouvernement pakistanais devrait se déclarer démissionnaire.
Reste que les choses ne sont pas aussi simples que l'on veut bien le faire croire. D'abord, Tahir ul Qadri, une personne qui avait demandé la nationalité canadienne et qui est revenue au Pakistan pour des raisons purement politiques et opportunistes, a vu son parti, le Pakistan Awami Tehreek, être déclaré comme un parti proscrit au Pakistan. La rhétorique est désormais toujours la même: le Pakistan étant basé sur l'idéologie d'un islam fédérateur, chaque chef religieux y va de son commentaire. Tahir ul Qadri, estimant qu'il est le plus à même de représenter l'islam au Pakistan, déclame des discours enflammés et utilise un champ lexical bien rodé: "islam, martyrs, assassinats, paradis". Cette indécence des discours politiques qui instrumentalisent la religion est telle qu'ils sont prononcés devant le corps de la personne qui attend son enterrement.
Comme je le précise dans un "L'Ahmadiyya: un Islam interdit", le fait religieux est largement instrumentalisé à des fins politiques. De cette façon, il est difficile de voir ne serait-ce qu'une once de religion dans ce que Tahir ul Qadri déclare. Mais ce dernier n'est pas le seul à faire une campagne contre le gouvernement. Le fameux joueur de cricket, Imran Khan, lequel avait créé le parti Pakistan Tehrikh-e-Insaaf (parti qui se veut moderne et progressiste), s'est également rangé auprès du Pakistan Awami Tehreek. Toutefois, lorsqu'on pose la question d'une coalition entre les deux partis, la réponse d'Imran Khan est sans appel: "non", affirme-t-il.
Le printemps pakistanais?
Le Pakistan Tehrikh-e-Insaaf appelle cette marche la Azadi March, ou la marche vers la liberté. Pendant les débats houleux qui ont précédé l'établissement et la décision de cette marche vers la liberté, les membres du parti d'Imran Khan ont clairement affirmé qu'une résistance serait opérée à l'égard des forces de l'ordre qui tenteraient d'emprisonner toute personne du comité exécutif ou le président du parti lui-même. Cette revendication se base sur la résistance à l'oppression, nous dira-t-on.
Tous ces désordres qui traversent le Pakistan ont nécessairement une cause, une raison. En l'absence de comité chargé d'instruire sur la base d'une enquête judiciaire, nous ne pouvons préjuger d'une fraude aux élections même si les probabilités restent très élevées compte tenu des clichés vidéos qui ont circulé sur les plateaux des différents talk shows pakistanais. Mais la prudence reste de mise, comme toujours dans les analyses ayant trait à la situation du Pakistan. Aucune vérité ne peut être affirmée de manière ferme.
La réponse du Gouvernement, qui a gardé le silence pendant plusieurs jours, a été de mettre en place une commission composée de magistrats de l'ordre judiciaire afin qu'elle établisse un rapport indépendant. Mais voilà, l'indépendance va être le nerf de la guerre. Les deux partis ne vont pas hésiter à fustiger le Gouvernement d'y avoir placé ses pions et dans l'hypothèse où d'autres membres des partis périphériques seront inclus dans la commission, aucune décision concrète ne sera adoptée.
Il s'agit d'une heure cruciale pour le Pakistan. A l'heure où j'écris ce billet, la Lahore High Court , une Cour Provinciale, est en train d'analyser la pétition déposer par un citoyen du Pakistan craignant que cette marche pour la paix déclenche l'anarchie au Pakistan. Trois juges Justice Khalid Mehmood Khan, Justice Shahid Hameed et Justice Anwarul Haq estiment déjà que des sanctions devraient être prises à l'encontre d'Imran Khan.
Azadi March pour le Azadi Day
Le 15 août 1947 marque le jour d'indépendance du Pakistan ce qui pays qui répondait à une volonté des musulmans de constituer leur propre pays afin de ne pas tomber sous la houlette du nationalisme hindou. C'est ce jour-là que la Marche vers la Paix devra se tenir. Cette indépendance, en 1947 avait été largement menée par Muhammad Ali Jinnah que l'on nomme volontiers le Qaid-e-Azam (Père de la Nation) et a été acquise afin d'établir un Pakistan juste et surtout un Pakistan en phase avec l'ensemble des principes islamiques.
Malheureusement, et nous dressons ce constat chaque année, le Pakistan est tout sauf le cadeau attendu. Pourtant, l'emballage était intéressant. Mais la défectuosité du cadeau trouve son origine dans de multiples facteurs de compréhension. D'abord, son histoire a été ponctuée d'un retour des militaires au pouvoir (et la situation actuelle fait penser que les militaires pourraient revenir tant les tensions atteignent leur apogée), et surtout d'injustices et de corruption.
A mes yeux, la plus grande injustice du Pakistan réside dans le traitement des minorités - qu'il s'agisse de la minorité chrétienne, hindoue, sikh ou ahmadie. N'oublions pas les événements récents. D'abord, l'assassinat ouvert d'un Sikh à Peshawar aux motifs, totalement inventés, qu'il était un "agent de l'Inde". Ensuite, l'assassinat de deux jeunes filles, d'un enfant non encore né et d'une femme de plus de 50 ans issus de la minorité musulmane ahmadie.
La Marche vers la Liberté sera exsangue si elle n'aboutit pas à une liberté pour tous, incluant les minorités. Or, nous savons les propos qu'ont tenu tant Imran Khan que Tahir ul Qadri sur les ahmadis. N'oublions pas non plus que l'histoire se répète constamment et que tant qu'une vraie justice ne sera pas instaurée au Pakistan, les institutions resteront dans un statut quo, les investissements internationaux seront toujours gelés et le Pakistan souffrira toujours d'une réputation de pays des extrêmes.
Mais nous espérons que ce pays pourra s'en sortir. Il contient des richesses culturelles et cultuelles. Nous espérons réellement, comme chaque année, que cette journée du 15 août 2014 sera le signe d'une reconnaissance plus profonde des minorités et un rétablissement de la justice absolue plutôt qu'un assombrissement de ses lendemains qui s'annoncent déjà très tumultueux.
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