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Bruxelles mène un train de sanctions au dessus de ses moyens

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Un évènement d'une gravité similaire à l'accident du vol MH17 était à prévoir depuis le début de la crise et agit comme un révélateur de la sensibilité extrême de la situation.

Cette tragédie questionne à nouveau le positionnement du Kremlin vis-à-vis des indépendantistes. La stratégie politique martelée par le Président Poutine, c'est-à-dire l'autodétermination des peuples, était déjà jugée fallacieuse par l'Occident. Elle est aujourd'hui complètement inaudible et masque mal une perte de contrôle par Moscou de la situation en Ukraine orientale.

Même si les séparatistes pro-russes sont probablement responsables du tir, l'armement utilisé, un missile sol-air capable d'abattre un avion de ligne à son altitude et sa vitesse de croisière, serait de provenance russe. Toutefois, la Russie ne saurait être pour autant tenue pour directement responsable des actes des séparatistes ukrainiens : les combattants agissent de manière autonome et les armes fournies selon toute vraisemblance par le Kremlin n'étaient assurément pas destinées à abattre un appareil civil de cette envergure. A ce titre, la difficulté d'accès au site, au regard des combats faisant encore rage autour du site de l'accident, ne permet pas pour le moment d'établir les responsabilités de ce drame. La trêve de 24 heures décidée aujourd'hui permettra peut-être d'avancer dans l'enquête sur cet accident aérien.

Une fausse ambiance de Guerre Froide

Ce flou n'a cependant pas empêché les Etats-Unis de faire un lobbying intense auprès de l'Union Européenne pour prendre un nouveau train de sanctions à l'encontre d'entreprises russes et de certains de ses ressortissants, et de répéter d'ailleurs ces manœuvres auprès de leurs partenaires asiatiques.

Le spectre de ces sanctions initialement voulu par Washington était très large, de telle sorte à tenter d'asphyxier la Russie d'un point de vue économique, en se fondant notamment sur un constat d'efficacité des précédentes sanctions. Ce constat mérite des nuances substantielles, dont il n'est peut-être pas opportun de discuter ici.
En substance, ces sanctions devaient notamment porter sur un gel d'avoirs massif, un embargo sur le commerce d'armes en provenance et à destination de la Russie, ou encore une interdiction de transfert de technologie, notamment dans l'industrie extractive et notamment concernant le secteur pétrolier an Arctique.

Résonnance diplomatique plus qu'économique

Les sanctions effectivement prises par Bruxelles dans la décision 2014/508/PESC en début de semaine sont bien plus modestes.
Elles appellent deux observations. D'abord, elles ne concernent pas les contrats en cours. Ensuite, la décision du conseil n'indique aucune limitation de transfert de technologie n'est concernée par ces sanctions. Cela a un effet direct et concret dans le secteur pétrolier ou parapétrolier, à titre d'exemple, le projet Total-Novatek de construction et d'exploitation de 16 méthaniers et brise-glaces n'est pas suspendu. D'ailleurs, les quelques personnes et quelques entreprises bien précises visées par le conseil manifestent la limitation substantielle des sanctions.


Cette limitation rėvèle deux points fondamentaux :

D'une part, le principe de réalité commande à l'Union Européenne de limiter la portée du message politique à l'endroit de son voisin et partenaire russe.

L'Union Européenne dans son ensemble a trop d'implications économiques en Russie pour que la prise de mesures contre celles-ci ne lui fasse pas courir de risques de rétorsions, notamment dans le secteur énergétique.

Pour limitées qu'elles soient en réalité, les sanctions prises mardi ont déjà des conséquences dépassant largement leur portée.
L'annonce faite par le gouvernement Russe de l'impact concret que ces sanctions auront sur le la fourniture notamment de gaz naturel d'un point économique, l'impact de ces sanctions pour Moscou est déjà - hâtivement ? - estimée par certains analystes. Elles induiraient une perte de croissance s'élevant jusqu'à 1,5% de croissance. En Europe, il s'agirait de manque à gagner s'élevant jusqu'à 40 milliards d'Euros l'année prochaine.
On comprend donc aisément la vive inquiétude exprimée par les acteurs économiques européens dont nombre affirment que ces mesures restrictives auront un effet contre-productif.

D'autre part, le champ des industries touchées par ces mesures est large et varie selon chaque Etat. Dès lors, en tentant d'imposer un projet de sanctions très sévères, les Etats-Unis ont malgré eux enclenché une bataille interne pour la défense des intérêts économiques et industriels nationaux de chaque Etat Membre, et ont contribué de manière indirecte à la dimension limitée des sanctions européennes contre la Russie.

En effet, les intérêts bilatéraux entre les différents Etats-Membre de l'Union vis-à-vis de la Russie sont trop divergents pour que des sanctions ayant un impact substantiel sur l'économie Russe puissent être prises à l'unanimité au sein du conseil.

Dès lors les nouvelles sanctions prises par Bruxelles constituent le plus petit dénominateur commun entre les Membres. Néanmoins, le principe même de leur existence est source de conflit, d'autant plus qu'il s'agit avant tout d'un alignement sur un désir de Washington formulé de manière très distante par rapport à la réalité et des relations entre Russie et Union Européenne et donc en négation complète des leviers d'influence à la disposition de l'Union vis-à-vis de Moscou.

Vues du Kremlin, de Washington et surement d'ailleurs, ces sanctions constituent une nouvelle démission de la diplomatie européenne, réduisant d'autant la crédibilité de l'UE comme acteur diplomatique d'envergure internationale. Les engagements offensifs de Bruxelles n'ont qu'un effet de levier pour le moins limité sur Moscou, au risque de pénaliser bien plus l'Europe que la Russie.

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