"Votre fille voudrait être son propre chef"
Le commentaire et la caricature
Ce matin, nous avons reçu le bulletin scolaire de notre fille, il portait ce commentaire: "elle voudrait être son propre chef". Elle a 5 ans. Et je crains que les présupposés d'une telle appréciation ne soient pas positifs. Derrière ce message, il y a cette désapprobation plusieurs fois centenaire et très française à l'encontre de ceux qui sortent du rang. L'audace et l'autonomie sont l'autre nom de l'arrogance. Vouloir être son propre chef, c'est œuvrer contre la collectivité et l'intérêt général. C'est être un individualiste forcené. On rejoue Créon face à Antigone en permanence.
Mais l'économie change plus vite que les représentations de l'Education Nationale. La soumission à l'autorité n'est plus une valeur cardinale de la survie. La très grande majorité des entreprises évoluent désormais vers des structures hiérarchiques courtes où l'inventivité, l'autonomie et la capacité à prendre des décisions justes sont valorisées.
Pourvu qu'ils soient nombreux à vouloir être leur propre chef...
Par ailleurs, plus de 90% du tissu économique français se compose de PME. Elles sont nos leviers les plus évidents de croissance et d'emplois. Heureusement que beaucoup d'enfants ont voulu "être leur propre chef": c'est bon pour notre économie. Derrière les apparences, leur individualisme forcené a le visage de ceux qui prennent des risques, de ceux qui se battent dans un monde de plus en plus concurrentiel. Ils innovent, ils recrutent, ils bâtissent des entreprises. Et ils le font très largement au bénéfice de ceux qui eux, n'ont jamais souhaité être leur propre chef.
Cette désapprobation mérite d'être dénoncée aussi parce qu'elle touche prioritairement les femmes, dont on connaît les propensions à intégrer la censure produite par le système. Alors que 80% des femmes françaises travaillent, un des taux les plus élevés d'Europe, seulement 28% des entreprises sont créées par des femmes. L'entrepreneuriat féminin est un gisement de croissance et d'emploi pour la France. Manifestement, nous manquons de femmes "qui veulent être leur propre chef" ou pire, qui s'autorisent à le vouloir.
La responsabilité de l'Education nationale dans nos représentations collectives
J'imagine bien ceux qui prétendront que la croissance ne se joue pas à la maternelle. Mais sait-on à quel moment le manque de confiance en soi prend-il ses racines, à quel moment les vexations produisent-elles du découragement et de l'impuissance? Cette volonté de faire rentrer les enfants dans le rang devient naturellement suspicion généralisée à l'encontre des chefs d'entreprises. Ceux qui tirent leur épingle du jeu sont les plus suspects, alors même que leur réussite créé tout un écosystème vertueux: emplois, impôts, attractivité. Étonnons-nous dès lors que ceux qui sortent la tête de l'eau, envers et contre les réticences de l'Education nationale puis de l'opinion publique, sont tentés de penser qu'ils ne doivent plus rien à la communauté. Comment s'étonner qu'ils s'inscrivent parfois dans la transgression, puisqu'on a essayé sans relâche de leur inculquer un principe de soumission étranger à leur ADN? Comment s'étonner qu'ils quittent le pays?
Les adultes de demain ne peuvent pas être éduqués comme leurs arrière-grands-parents. L'Education nationale se doit d'être pleinement impliquée dans ces réflexions. Et pourtant... Ne parlons pas de l'absence de modules sur la création d'entreprise dans les écoles. Nous sommes loin, en France, de savoir valoriser l'autonomie et l'initiative. Ne parlons même pas des enseignants et de leur méconnaissance généralisée des entreprises: 62% des professeurs de collège estiment que l'entreprise est un lieu d'exploitation (sondage Opinionway, 2013). Surtout, ne rappelons pas -quoiqu'ils sont burlesques- les propos de Jean-Luc Mélenchon: " un jeune élève a d'autres choses à apprendre avant de se faire enseigner la cupidité"...
Aller plus loin: qu'est-ce qu'un chef juste et responsable?
Que ma fille veuille être son propre chef, c'est peut-être une vocation précoce. Ce que j'aimerais savoir, c'est ce que l'Education nationale va mettre en place pour l'y encourager et pour la soutenir. Et surtout quelles armes, en parallèle de notre éducation parentale, les enseignants vont lui donner pour qu'elle ne devienne non pas seulement un chef, mais un chef juste et responsable.
Pour qu'elle grandisse avec l'idée que l'autre est toujours en devenir, et que la co-création est la meilleure façon de générer de la valeur. Pour qu'elle soit capable d'évaluer rationnellement les risques et d'assumer la solitude du chef d'entreprise. Pour qu'elle remporte des contrats à l'étranger et qu'elle y exporte notre savoir-faire.
Dès la maternelle, les mots et les préjugés qu'ils véhiculent ont de l'importance, autant pour les enfants que pour leur entourage. Ils contribuent à générer du manque de confiance et de l'autocensure. En cela, ils peuvent condamner la croissance, l'emploi et l'audace de demain. Alors peut-être que notre retard économique, et d'ores et déjà social, commence déjà là, juste au détour d'un bulletin scolaire de maternelle.
Le commentaire et la caricature
Ce matin, nous avons reçu le bulletin scolaire de notre fille, il portait ce commentaire: "elle voudrait être son propre chef". Elle a 5 ans. Et je crains que les présupposés d'une telle appréciation ne soient pas positifs. Derrière ce message, il y a cette désapprobation plusieurs fois centenaire et très française à l'encontre de ceux qui sortent du rang. L'audace et l'autonomie sont l'autre nom de l'arrogance. Vouloir être son propre chef, c'est œuvrer contre la collectivité et l'intérêt général. C'est être un individualiste forcené. On rejoue Créon face à Antigone en permanence.
Mais l'économie change plus vite que les représentations de l'Education Nationale. La soumission à l'autorité n'est plus une valeur cardinale de la survie. La très grande majorité des entreprises évoluent désormais vers des structures hiérarchiques courtes où l'inventivité, l'autonomie et la capacité à prendre des décisions justes sont valorisées.
Pourvu qu'ils soient nombreux à vouloir être leur propre chef...
Par ailleurs, plus de 90% du tissu économique français se compose de PME. Elles sont nos leviers les plus évidents de croissance et d'emplois. Heureusement que beaucoup d'enfants ont voulu "être leur propre chef": c'est bon pour notre économie. Derrière les apparences, leur individualisme forcené a le visage de ceux qui prennent des risques, de ceux qui se battent dans un monde de plus en plus concurrentiel. Ils innovent, ils recrutent, ils bâtissent des entreprises. Et ils le font très largement au bénéfice de ceux qui eux, n'ont jamais souhaité être leur propre chef.
Cette désapprobation mérite d'être dénoncée aussi parce qu'elle touche prioritairement les femmes, dont on connaît les propensions à intégrer la censure produite par le système. Alors que 80% des femmes françaises travaillent, un des taux les plus élevés d'Europe, seulement 28% des entreprises sont créées par des femmes. L'entrepreneuriat féminin est un gisement de croissance et d'emploi pour la France. Manifestement, nous manquons de femmes "qui veulent être leur propre chef" ou pire, qui s'autorisent à le vouloir.
La responsabilité de l'Education nationale dans nos représentations collectives
J'imagine bien ceux qui prétendront que la croissance ne se joue pas à la maternelle. Mais sait-on à quel moment le manque de confiance en soi prend-il ses racines, à quel moment les vexations produisent-elles du découragement et de l'impuissance? Cette volonté de faire rentrer les enfants dans le rang devient naturellement suspicion généralisée à l'encontre des chefs d'entreprises. Ceux qui tirent leur épingle du jeu sont les plus suspects, alors même que leur réussite créé tout un écosystème vertueux: emplois, impôts, attractivité. Étonnons-nous dès lors que ceux qui sortent la tête de l'eau, envers et contre les réticences de l'Education nationale puis de l'opinion publique, sont tentés de penser qu'ils ne doivent plus rien à la communauté. Comment s'étonner qu'ils s'inscrivent parfois dans la transgression, puisqu'on a essayé sans relâche de leur inculquer un principe de soumission étranger à leur ADN? Comment s'étonner qu'ils quittent le pays?
Les adultes de demain ne peuvent pas être éduqués comme leurs arrière-grands-parents. L'Education nationale se doit d'être pleinement impliquée dans ces réflexions. Et pourtant... Ne parlons pas de l'absence de modules sur la création d'entreprise dans les écoles. Nous sommes loin, en France, de savoir valoriser l'autonomie et l'initiative. Ne parlons même pas des enseignants et de leur méconnaissance généralisée des entreprises: 62% des professeurs de collège estiment que l'entreprise est un lieu d'exploitation (sondage Opinionway, 2013). Surtout, ne rappelons pas -quoiqu'ils sont burlesques- les propos de Jean-Luc Mélenchon: " un jeune élève a d'autres choses à apprendre avant de se faire enseigner la cupidité"...
Aller plus loin: qu'est-ce qu'un chef juste et responsable?
Que ma fille veuille être son propre chef, c'est peut-être une vocation précoce. Ce que j'aimerais savoir, c'est ce que l'Education nationale va mettre en place pour l'y encourager et pour la soutenir. Et surtout quelles armes, en parallèle de notre éducation parentale, les enseignants vont lui donner pour qu'elle ne devienne non pas seulement un chef, mais un chef juste et responsable.
Pour qu'elle grandisse avec l'idée que l'autre est toujours en devenir, et que la co-création est la meilleure façon de générer de la valeur. Pour qu'elle soit capable d'évaluer rationnellement les risques et d'assumer la solitude du chef d'entreprise. Pour qu'elle remporte des contrats à l'étranger et qu'elle y exporte notre savoir-faire.
Dès la maternelle, les mots et les préjugés qu'ils véhiculent ont de l'importance, autant pour les enfants que pour leur entourage. Ils contribuent à générer du manque de confiance et de l'autocensure. En cela, ils peuvent condamner la croissance, l'emploi et l'audace de demain. Alors peut-être que notre retard économique, et d'ores et déjà social, commence déjà là, juste au détour d'un bulletin scolaire de maternelle.
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