Après les municipales, les Français devront le 25 mai faire face à une nouvelle élection. Parmi les 751 députés du nouveau Parlement européen, 74 seront français.
Or, bien souvent, l'influence de ces députés sera assez faible. L'Union européenne comptait 15 membres en 2003, elle en a 28 aujourd'hui. En plus de cette perte comparative de poids électoral et institutionnel, on doit ajouter la perte définitive du statut de la langue française comme paritaire avec l'anglais. Dans presque tous les pays de l'Europe, les jeunes apprennent d'abord l'anglais à l'école. Ils entendent l'anglais dans les médias et à travers la culture populaire internationale.
Et cela a évidemment un impact sur les institutions européennes. Au Parlement européen, il est devenu presque impossible de s'en sortir sans une bonne maitrise de l'anglais.
Du tout-anglais au Parlement européen? "Mais non", nous direz-vous peut-être. Pendant les séances plénières du Parlement à Strasbourg, nous pouvons écouter des députés avançant leurs arguments dans la langue de Molière (enfin, de Daniel Cohn-Bendit ou Rachida Dati). Le site web du Parlement nous indique également que les députés peuvent s'exprimer dans toutes les langues officielles de l'Union. Où est le problème, alors?
Comme dans la politique française, la vérité est que les décisions cruciales ne sont pas prises lors les séances publiques. Par contre, elles sont souvent prises dans des négociations en off entre le Parlement, la Commission européenne et les Etats membres, voire lors de conversations informelles entre les deux ou trois personnes clés d'un certain dossier législatif. Dans ces négociations, une seule langue domine. Et il ne s'agit pas de la langue française.
Une étude que j'ai menée lors de mon master à l'Université libre de Bruxelles montre comment l'anglais est devenu la langue dominante dans les négociations internes du Parlement européen. J'ai réalisé des entretiens avec quinze assistants parlementaires et deux eurodéputés. Tous disent que l'anglais est de loin la langue prédominante.
Il est vrai, plusieurs assistants disent aussi que le français est la deuxième langue du Parlement. Et puis, les interprètes et traducteurs aident souvent les députés non-anglophones à comprendre un minimum de ce qui se passe. Or, comme le disait un député allemand lors d'un entretien: "si vous ne parlez pas l'anglais, vous êtes incapable d'action politique."
Beaucoup de députés l'ont compris, et quelques-uns suivent des cours d'anglais. Quant à la France, elle semble souvent être le représentent principal d'un replis-sur-soi linguistique. Beaucoup de députés français au Parlement ne maitrisent pas l'anglais. Pire, même si certains le maitrisent, ils refusent souvent de s'exprimer en anglais pour cause de fierté nationale, ou peut-être par peur d'insulter leurs électeurs et compatriotes. Ils se privent donc de la possibilité de persuader les autres députés européens, parmi lesquels seulement une minorité comprennent le français. Quand les députés se rencontrent dans les couloirs, les conférences, voire dans beaucoup de réunions, les interprètes ne sont pas là.
Ceux qui ne parlent pas l'anglais dépendent donc des conseils de leurs jeunes assistants qui, eux, parlent presque tous la langue commune de la politique européenne. Lors d'un entretien effectué pour ma thèse, un assistant francophone "native speaker" me l'affirmait : un député est stupide s'il prend un assistant qui ne parle pas l'anglais.
Quelles leçons pourraient en tirer les électeurs? Ils devraient exiger des candidats aux élections européennes une bonne connaissance, voire maîtrise, de la langue anglaise.
Depuis des années, le Parlement européen revendique un rôle plus important dans le jeu de pouvoir: sur le budget de la Union, sur un spectre toujours plus large de législation, et sur le choix du président de la Commission européenne. C'est aux Français seuls de décider s'ils veulent réclamer un rôle central dans l'avenir de la politique européenne. Si la réponse est "oui", alors il faut exiger des parlementaires français qu'ils apprennent l'anglais.
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Au Parlement européen, l'interpretation ne suffit pas. Photo: © European Union 2012
Or, bien souvent, l'influence de ces députés sera assez faible. L'Union européenne comptait 15 membres en 2003, elle en a 28 aujourd'hui. En plus de cette perte comparative de poids électoral et institutionnel, on doit ajouter la perte définitive du statut de la langue française comme paritaire avec l'anglais. Dans presque tous les pays de l'Europe, les jeunes apprennent d'abord l'anglais à l'école. Ils entendent l'anglais dans les médias et à travers la culture populaire internationale.
Et cela a évidemment un impact sur les institutions européennes. Au Parlement européen, il est devenu presque impossible de s'en sortir sans une bonne maitrise de l'anglais.
Du tout-anglais au Parlement européen? "Mais non", nous direz-vous peut-être. Pendant les séances plénières du Parlement à Strasbourg, nous pouvons écouter des députés avançant leurs arguments dans la langue de Molière (enfin, de Daniel Cohn-Bendit ou Rachida Dati). Le site web du Parlement nous indique également que les députés peuvent s'exprimer dans toutes les langues officielles de l'Union. Où est le problème, alors?
Comme dans la politique française, la vérité est que les décisions cruciales ne sont pas prises lors les séances publiques. Par contre, elles sont souvent prises dans des négociations en off entre le Parlement, la Commission européenne et les Etats membres, voire lors de conversations informelles entre les deux ou trois personnes clés d'un certain dossier législatif. Dans ces négociations, une seule langue domine. Et il ne s'agit pas de la langue française.
Une étude que j'ai menée lors de mon master à l'Université libre de Bruxelles montre comment l'anglais est devenu la langue dominante dans les négociations internes du Parlement européen. J'ai réalisé des entretiens avec quinze assistants parlementaires et deux eurodéputés. Tous disent que l'anglais est de loin la langue prédominante.
Il est vrai, plusieurs assistants disent aussi que le français est la deuxième langue du Parlement. Et puis, les interprètes et traducteurs aident souvent les députés non-anglophones à comprendre un minimum de ce qui se passe. Or, comme le disait un député allemand lors d'un entretien: "si vous ne parlez pas l'anglais, vous êtes incapable d'action politique."
Beaucoup de députés l'ont compris, et quelques-uns suivent des cours d'anglais. Quant à la France, elle semble souvent être le représentent principal d'un replis-sur-soi linguistique. Beaucoup de députés français au Parlement ne maitrisent pas l'anglais. Pire, même si certains le maitrisent, ils refusent souvent de s'exprimer en anglais pour cause de fierté nationale, ou peut-être par peur d'insulter leurs électeurs et compatriotes. Ils se privent donc de la possibilité de persuader les autres députés européens, parmi lesquels seulement une minorité comprennent le français. Quand les députés se rencontrent dans les couloirs, les conférences, voire dans beaucoup de réunions, les interprètes ne sont pas là.
Ceux qui ne parlent pas l'anglais dépendent donc des conseils de leurs jeunes assistants qui, eux, parlent presque tous la langue commune de la politique européenne. Lors d'un entretien effectué pour ma thèse, un assistant francophone "native speaker" me l'affirmait : un député est stupide s'il prend un assistant qui ne parle pas l'anglais.
Quelles leçons pourraient en tirer les électeurs? Ils devraient exiger des candidats aux élections européennes une bonne connaissance, voire maîtrise, de la langue anglaise.
Depuis des années, le Parlement européen revendique un rôle plus important dans le jeu de pouvoir: sur le budget de la Union, sur un spectre toujours plus large de législation, et sur le choix du président de la Commission européenne. C'est aux Français seuls de décider s'ils veulent réclamer un rôle central dans l'avenir de la politique européenne. Si la réponse est "oui", alors il faut exiger des parlementaires français qu'ils apprennent l'anglais.

Au Parlement européen, l'interpretation ne suffit pas. Photo: © European Union 2012