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Une constitution économique et quelques ravages plus loin...

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Avoir de la mémoire ne pousse pas à la mansuétude. En 1997, avec la gauche socialiste, nous avions refusé de voir le critère des 3% du traité d'Amsterdam constitutionnaliser une règle comptable dommageable économiquement. Je tiens aux mots: il s'agissait bien d'une Constitution économique, qu'un élu de la nation se devait alors de refuser. C'était et c'est mon interprétation d'une règle que, d'autres Européens, ont qualifié de "stupide" (de Romano Prodi à Matteo Renzi).

A l'époque, dans l'hémicycle, j'ai voté non. A posteriori, je m'en félicite. Mais que n'avions nous entendu de la part de nos camarades alors au gouvernement! Que d'avanies n'avons-nous subies de la part de la direction du Parti socialiste alors en place! J'avais récolté pour ma part un blâme, et si je ne demande pas de réhabilitation, j'inciterai volontiers mes camarades à prendre davantage le rythme de l'Histoire.

Un choix pèse sur le destin du quinquennat de François Hollande. Ce n'est pas une décision parmi d'autres, car elle détermine tout ce qui est advenu depuis. En mai 2012, le président, le gouvernement, forts d'une suite de victoires électorales socialistes, disposaient de l'autorité nécessaire pour desserrer la contrainte budgétaire européenne, pour permettre de libérer la croissance en donnant du temps à chaque pays sur le plan comptable. Que notre déficit et notre dette publique, due principalement à la mauvaise gestion de la crise de 2008 par les gouvernements de droite, aient explosés est un fait. Qu'il faille les réduire est évident. Mais l'urgence n'était-elle pas de discuter fermement avec la chancellerie allemande de l'impératif de retrouver de la croissance? L'urgence n'était elle pas d'agir sur le processus de production pour enrayer la spirale de désindustrialisation en relançant l'investissement? L'urgence n'était elle pas de soulager des populations prises à la gorge économiquement pour redonner un peu de confiance? Il suffisait d'une petite audace diplomatique, de ce petit rien qui transforme une visite de courtoisie à Berlin en une victoire politique en Europe et pour l'Europe. Il suffisait d'une décision autre pour que le quinquennat en fût changé.

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A l'époque, peu de voix s'élevèrent pour soulever cette question. Le Congrès du Parti socialiste de Toulouse fut l'occasion d'un jeu de cache-cache démocratique particulièrement pénible... Toute idée alternative, tout questionnement sur la nécessité d'ouvrir le débat européen furent écartés. L'unanimisme, la délégitimation des idées alternatives...

Pourtant l'urgence est là... et depuis longtemps!

L'Europe s'empêtre dans des règles comptables hors-sujet, dans une vision malthusienne de son devenir. Cela ne date pas d'hier, ni d'ailleurs du dernier quinquennat, soyons honnêtes. La propension des élites européennes à manier les tableaux excell, à croire en des lois économiques en lesquelles personne ne croit plus dans le monde n'a d'égal que leur inaptitude à saisir les évolutions à l'œuvre dans ce même monde. Les docteurs de la foi européiste tuent l'Europe avec la même énergie que les médecins de Molière tuaient leurs patients... La singulière inaptitude à ouvrir le débat sur la politique économique menée en Europe surprendra un jour les historiens lorsqu'ils se pencheront sur notre époque. Mais est-ce véritablement une pensée économique? Sur ce point, on peut trancher par la négative...

En effet, pas un jour ne passe sans que l'on assène aux Français une ferme invitation à faire acte de contrition. Le discours économique dominant est moins empreint de rationalité que d'une forme de foi en la nécessité d'une souffrance rédemptrice. La France, trop dépensière, trop attachée à son système social aurait péché. Il lui faudrait donc maintenant souffrir et encore souffrir pour payer les fautes du passé. La France doit faire pénitence, se mortifier, souffrir, c'est ainsi qu'elle se redressera... C'est pourquoi j'y vois une forme d'idéologie morbide, qui entraîne nos élites toujours plus loin des peuples, et l'Europe toujours plus loin des buts qui devraient être les siens.

Nous vivons une ère de concurrence mondiale. Nous avons plongé dedans. Le monde d'hier est mort. Il ne reviendra plus. La gestion rigoureuse des deniers publics ne doit pas se confondre avec cette obsession morbide pour la comptabilité. Dans une période comme la nôtre, c'est avant tout la croissance et la compétitivité qu'il faut regagner. Miser sur l'investissement productif, miser sur le retour d'un Etat véritablement acteur de l'économie, miser sur un nouveau compromis entre les salariés et le capital, sur une alliance des productifs, là est l'urgence. Miser sur une Europe qui refuse le dumping social, qui s'affirme comme une puissance économique et politique, qui refuse l'alignement, qui se dote d'une politique de recherche et d'investissement commune. Voilà ce que devrait être le message de rupture issu des leçons bien tirées des élections municipales. Surtout en face, personne ne semble en mesure, dans la période actuelle, de nous dire si le fait de remplir (hypothétiquement) ces critères à l'horizon 2015 va entraîner un regain de croissance ou si, bien au contraire, nous ne serons pas amenés à un tour de vis budgétaire supplémentaire...

C'est dans ce cadre, dans cette perspective qu'il faut poser la question des "cinquante milliards", pas seulement dans une perspective comptable et hexagonale mais dans l'histoire récente de l'Europe, celle malheureusement d'une obéissance aveugle en des dogmes stupides.

Billet également publié sur www.juliendray.fr


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