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Le faiseur de théâtre, de Thomas Bernhard par Julia Vidit

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"Toute la vérité et rien que la vérité": Toujours dans un mécanisme de l'écriture, comme Marguerite Duras, Thomas Bernhard est adepte d'un procédé cyclique, présent dans bon nombre de ses pièces. Il s'agit d'un monologue tendant vers la critique et l'obsession, ponctué par de brèves interventions d'autres personnages. Dans Le faiseur de théâtre, Bruscon homme de scène, s'adonne à une logorrhée plaintive, accusant tout sur son passage. Insatisfait chronique, il juge et impose ses lois tel un vrai dictateur artistique et patriarcal. Au fil de ses râlements incessants et sa mauvaise humeur, le personnage interroge le théâtre dans ses fonctions artistiques et universelles. Comment le créateur gère-t -il les souffrances qui découlent de son art? Quelle place notre société pleine de troubles peut-elle offrir au théâtre? A-t-il encore un public qui le soutient et le porte?

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Jouer et se mettre en scène jusqu'à perdre haleine restent les seuls moyens d'agir, de réagir et de rester vivants dans cette Autriche détestée et reniée, même à l'heure du dernier souffle. Cette bataille contre la fin se révèle être une lutte légère, mêlée d'une importante dose d'humour et de burlesque. D'un côté la famille de Bruscon, flamboyante de dérision à travers la parole, le vers qui fusent et les attitudes tordantes. À leurs pieds, le retour d'un semblant de Commedia dell'arte avec cette famille d'aubergistes qui amplifie et exagère chacun de ses déplacements et interventions. À travers l'ingénue mise en scène de Julia Vidit, ces deux mondes cohabitent parfaitement, sans empiéter sur l'univers et le style de l'autre.

Ils s'agitent de manière coordonnée, au sein d'une scénographie réaliste et aussitôt dépaysante. Nous quittons le théâtre de l'Athénée et rejoignons immédiatement cette auberge autrichienne au charme vieillit et à l'ambiance joviale et populaire. Les actions s'enchainent, le rythme est soutenu, mais toujours dans une parfaite mesure qui évite les écarts d'interprétations trop clichés. Le tout, porté par l'extrême vivacité, le fort caractère et l'impressionnant charisme de François Clavier, un Bruscon teigne et monomaniaque. Un artiste, un père et un mari ne s'exprimant qu'à travers un cynisme cruel et des crachats sans pitié. Les autres comédiens participent également à cette tornade de gémissements mais dans le rôle de victimes. Costume qui leur sied à merveille, notamment à Nolwenn Le Du et Aurélien la Bruyère, l'une chipie et l'autre godiche hébétée.

Malgré cette figure de despote, Bruscon semble pourtant devoir changer brusquement de masque. Il faudra attendre la dernière minute, pour que, semblable à un personnage de Pinter, ses rêves et ses illusions partent en fumée. Un instant de remise en question d'une réalité finalement inconnue et toujours incertaine de douleur.

Plus de critiques sur le blog La couleur des planches


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