Netflix, le nouvel acteur de vidéo à la demande par abonnement (SVOD), a officialisé son entrée en France tout en restant localisé au Luxembourg, essentiellement pour éviter la réglementation française contraignante touchant les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).
Cet événement est emblématique de la remise en cause profonde de notre écosystème audiovisuel par le numérique. Il ne s'agit ni de s'en réjouir ni de le déplorer, mais de constater qu'un débat ne peut plus être évité, notamment concernant les conditions de création culturelle. Ce débat, surtout, ne peut plus partir comme on l'a fait jusqu'à présent du postulat premier que le système doit -ou peut- être protégé en l'état et qu'il ne s'agit que de trouver les bonnes contraintes réglementaires et fiscales pour que tout soit comme avant.
Que le numérique se joue des frontières et crée par conséquent une concurrence entre les pays, nous le savons désormais depuis longtemps. Seule une réglementation au niveau européen pourrait apporter un début de solution à cet égard -et l'Europe étant moins fondamentaliste que nous sur la question culturelle, il y a peu d'apparence que nous puissions promouvoir auprès d'elle notre vision.
Mais la nouveauté essentielle est ailleurs. A un système reposant sur l'exception culturelle-c'est-à-dire la distorsion volontaire des choix offerts aux consommateurs, notamment par l'offre d'un quota important (40%) d'œuvres françaises-, Netflix veut opposer une autre logique de la création culturelle: celle de la demande du public. Déterminé à contribuer à la production française -ce qui est une bonne nouvelle-, il veut garder un contrôle total sur ce qu'il va montrer, pour maximiser ses chances de succès.
Netflix est en effet connu pour être un pionnier dans la technique de production de séries fondée sur l'analyse massive de données concernant les goûts des consommateurs. C'est de cette façon qu'a été conçue la série House of Cards, avec l'immense succès que l'on sait. La grande innovation de Netflix est de mobiliser au maximum les nouveaux outils de connaissance de la demande: les opérateurs de VOD savent très précisément ce que vous regardez, ce qui leur donne une connaissance individuelle des comportements de visionnage infiniment plus précise que les indicateurs d'audiences des chaînes TV qui ne sont, rappelons-le, que des sortes de sondages.
De cette façon, Netflix peut agir en amont sur le formatage des contenus nouveaux, et en aval sur la recommandation fine des vidéos existantes grâce à son moteur de préconisation. Horresco referens pour un Français, les séries française de Netflix seront donc très explicitement bâties en vue de leur public, dissipant, diront les uns, le rideau de fumée de l'ambition artistique traditionnellement affichée pour se donner bonne conscience, affichant avec cynisme, diront les autres, la soumission de l'œuvre à la demande ainsi ravalée au rang de simple produit.
Ce système permet à Netflix, autre nouveauté majeure pour un acteur de VOD, de ne pas dépendre des films les plus récents: la majeur partie des visionnages concerne des films de catalogue relativement anciens. La dépendance de Netflix vis-à-vis du cinéma sera donc, stratégiquement parlant, infiniment moins grande que celle d'un acteur de la TV payante tel que Canal Plus qui mise tout sur l'attractivité de ses films récents en exclusivité - et son football.
L'arrivée de Netflix est à notre sens beaucoup plus qu'un événement à analyser sous l'angle purement concurrentiel - un nouvel acteur dans le PAF. Il s'agit d'un coup de tonnerre dans le ciel, déjà pas si serein, de l'audiovisuel français: le rapport très critique de la Cour des comptes du 2 avril ayant été la nouvelle bordée d'une salve de critiques de plus en plus nourrie. Ce nouvel acteur pose en bloc toutes les questions qui dérangent le plus : celle de la fiscalisation des services dans un monde numérique sans frontière bien sûr, mais surtout celle du système de financement, du contrôle et des quotas d'œuvres françaises.
L'audiovisuel français va devoir trouver un moyen de continuer à exister dans le monde numérique. La France, à notre sens, va devoir apprendre à transiger sur l'accessoire pour conserver l'essentiel. En plus de la limitation du nombre de films évoquée par la Cour dans ses recommandations, pourquoi ne pas penser à séparer par exemple de façon claire un marché limité et réglementé ayant vocation à susciter et diffuser les œuvres culturelles les plus ambitieuses, d'un marché entièrement libre des "blockbusters" audiovisuels qui sont d'ores et déjà, qu'on le veuille ou non, des produits commerciaux?
Cet événement est emblématique de la remise en cause profonde de notre écosystème audiovisuel par le numérique. Il ne s'agit ni de s'en réjouir ni de le déplorer, mais de constater qu'un débat ne peut plus être évité, notamment concernant les conditions de création culturelle. Ce débat, surtout, ne peut plus partir comme on l'a fait jusqu'à présent du postulat premier que le système doit -ou peut- être protégé en l'état et qu'il ne s'agit que de trouver les bonnes contraintes réglementaires et fiscales pour que tout soit comme avant.
Que le numérique se joue des frontières et crée par conséquent une concurrence entre les pays, nous le savons désormais depuis longtemps. Seule une réglementation au niveau européen pourrait apporter un début de solution à cet égard -et l'Europe étant moins fondamentaliste que nous sur la question culturelle, il y a peu d'apparence que nous puissions promouvoir auprès d'elle notre vision.
Mais la nouveauté essentielle est ailleurs. A un système reposant sur l'exception culturelle-c'est-à-dire la distorsion volontaire des choix offerts aux consommateurs, notamment par l'offre d'un quota important (40%) d'œuvres françaises-, Netflix veut opposer une autre logique de la création culturelle: celle de la demande du public. Déterminé à contribuer à la production française -ce qui est une bonne nouvelle-, il veut garder un contrôle total sur ce qu'il va montrer, pour maximiser ses chances de succès.
Netflix est en effet connu pour être un pionnier dans la technique de production de séries fondée sur l'analyse massive de données concernant les goûts des consommateurs. C'est de cette façon qu'a été conçue la série House of Cards, avec l'immense succès que l'on sait. La grande innovation de Netflix est de mobiliser au maximum les nouveaux outils de connaissance de la demande: les opérateurs de VOD savent très précisément ce que vous regardez, ce qui leur donne une connaissance individuelle des comportements de visionnage infiniment plus précise que les indicateurs d'audiences des chaînes TV qui ne sont, rappelons-le, que des sortes de sondages.
De cette façon, Netflix peut agir en amont sur le formatage des contenus nouveaux, et en aval sur la recommandation fine des vidéos existantes grâce à son moteur de préconisation. Horresco referens pour un Français, les séries française de Netflix seront donc très explicitement bâties en vue de leur public, dissipant, diront les uns, le rideau de fumée de l'ambition artistique traditionnellement affichée pour se donner bonne conscience, affichant avec cynisme, diront les autres, la soumission de l'œuvre à la demande ainsi ravalée au rang de simple produit.
Ce système permet à Netflix, autre nouveauté majeure pour un acteur de VOD, de ne pas dépendre des films les plus récents: la majeur partie des visionnages concerne des films de catalogue relativement anciens. La dépendance de Netflix vis-à-vis du cinéma sera donc, stratégiquement parlant, infiniment moins grande que celle d'un acteur de la TV payante tel que Canal Plus qui mise tout sur l'attractivité de ses films récents en exclusivité - et son football.
L'arrivée de Netflix est à notre sens beaucoup plus qu'un événement à analyser sous l'angle purement concurrentiel - un nouvel acteur dans le PAF. Il s'agit d'un coup de tonnerre dans le ciel, déjà pas si serein, de l'audiovisuel français: le rapport très critique de la Cour des comptes du 2 avril ayant été la nouvelle bordée d'une salve de critiques de plus en plus nourrie. Ce nouvel acteur pose en bloc toutes les questions qui dérangent le plus : celle de la fiscalisation des services dans un monde numérique sans frontière bien sûr, mais surtout celle du système de financement, du contrôle et des quotas d'œuvres françaises.
L'audiovisuel français va devoir trouver un moyen de continuer à exister dans le monde numérique. La France, à notre sens, va devoir apprendre à transiger sur l'accessoire pour conserver l'essentiel. En plus de la limitation du nombre de films évoquée par la Cour dans ses recommandations, pourquoi ne pas penser à séparer par exemple de façon claire un marché limité et réglementé ayant vocation à susciter et diffuser les œuvres culturelles les plus ambitieuses, d'un marché entièrement libre des "blockbusters" audiovisuels qui sont d'ores et déjà, qu'on le veuille ou non, des produits commerciaux?
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