EELV - Un parti au bord de la crise de nerf, des militants déboussolés, des cadres sur le départ... Emmanuelle Cosse aurait pu espérer meilleures conditions pour devenir secrétaire nationale d'Europe-Ecologie Les Verts. A 39 ans, c'est elle qui doit prendre les rênes du parti écologiste au terme du congrès qui s'ouvre ce samedi 29 novembre à Caen.
Pour cette néophyte des luttes d'appareil dont EELV s'est fait une spécialité, la tâche semble ardue. "Je mesure la difficulté d’animer un parti politique qui participe à une coalition gouvernementale, qui doit concilier cette participation avec une prise de parole autonome sur les sujets qui fâchent", prévenait-elle, lucide, dans un courriel adressé fin septembre aux militants du parti.
Les conditions de son élection, tendues après un premier tour serré, ne va rien arranger. Avec moins de 40% des votes, la motion défendue par Cécile Duflot et la direction sortante d'EELV n'est plus en position d'imposer sa volonté face aux deux autres principales motions, très critiques sur la participation au gouvernement et le fonctionnement du parti.
Logique de casting
Bombardée à la tête de la motion majoritaire "Pour un cap écologiste" par "la firme", petit nom péjoratif dont les militants ont gratifié le cabinet noir d'EELV incarné par Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé ("le couple infernal" raillé par Daniel Cohn-Bendit), Emmanuelle Cosse devra d'abord se défaire de la logique de casting qui a préfiguré son ascension.
Incarner l'ouverture qui fit le succès d'Europe-Ecologie tout en revendiquant la confiance de Cécile Duflot: voilà l'atout brandi par ses soutiens. Son passage réussi à la tête du logement de la région Ile-de-France -un budget annuel de 300 millions d'euros- a également pesé dans la balance. "Elle a à la fois une expérience de militante associative et d'élue", résume le député EELV Christophe Cavard.
Derrière le casting, il y a aussi des épaules. Imposée "par en haut", cette passionnée de rugby ne manque pas de muscles pour convaincre au-delà du premier cercle de ses amis. Réputée "bûcheuse" et "solide" dans l'adversité, le profil d'abeille discrète de "Emma" Cosse pourrait apaiser une formation qui fait du surplace. "Il nous faut davantage un organisateur qu'un porte-parole. C'est là que Pascal [Durand] s'est planté", note Christophe Rossignol, membre du conseil d'orientation politique d'EELV, qui soutenait une motion adverse.
Un faux double de Duflot
En interne, la question de sa faible notoriété n'émeut pas outre mesure. Depuis l'irruption de son nom dans le débat écolo, elle a écarté toute demande d'interview et fuit les télévisions. Déjà, la comparaison s'impose avec son influente marraine, Cécile Duflot. "Emma n'est pas très connue mais c'était le cas de Cécile il y a encore six ans", relativise un cadre du parti. "Emma a même beaucoup plus d'expérience que Duflot à ses débuts", renchérit son ami Manuel Domergue, qui soutient également une autre motion.
Duflot-Cosse: deux (jeunes) femmes au tempérament trempé pour diriger EELV. Ancienne présidente d'Act Up, journaliste passée par Têtu et Regards, Cosse a basculé dans la politique aux régionales de 2010, quand les écolos, sous la houlette de Daniel Cohn-Bendit, ouvraient encore grand les fenêtres aux personnalités venues de la société civile. Europe-Ecologie était alors "le seul parti à s’ouvrir vraiment aux forces sociales et faisait de cette diversité une richesse", explique celle qui se revendique de la "génération Dany".
Colère?Que faire? Emmanuelle Cosse par EuropeEcologie
Venue de la gauche du parti, c'est avec Cécile Duflot que l'ancienne militante associative bâtit son parcours politique, "comme beaucoup de personnalités d'ouverture", relève Manuel Domergue. Les deux femmes se croisent à la région Ile-de-France, où la patronne des Verts dirige le groupe écolo et où Cosse pilote la politique de logement. Quand Duflot devient ministre du Logement, les liens se resserrent, aidés par le vice-président de l'Assemblée nationale Denis Baupin, compagnon d'Emmanuelle. Jusqu'à l'éviction de Pascal Durand.
L'école Act Up
Mais la comparaison s'arrête là. "Duflot est politique, elle sait jouer la connivence avec les élus, les militants, cajoler les sensibilités. Emma est expéditive, parfois cassante. Avec elle, il faut que ça avance. C'est l'école Act Up", nuance son ami Manuel Domergue.
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Act Up, une étape structurante dans le parcours de la jeune militante qui rejoint l'ONG en 1992 avant d'en prendre la présidence sept ans plus tard. "C'était la première femme hétéro, non séropo à prendre la tête d'une association issue de la communauté homosexuelle. A l'époque, cela avait fait du remous. Elle a eu le courage de se confronter à cela", se souvient Christophe Martet, ancien d'Act Up et du magazine Têtu, aujourd'hui directeur de la publication du site Yagg.
De cette époque, Emmanuelle Cosse puise "l’essence même de [s]on engagement". D'Act Up, elle retient "un mouvement où l’urgence à agir était directement corrélée à la capacité de nombreux proches à vivre". "J’en garde la conviction profonde qu’il est parfois nécessaire de bousculer les institutions, d’interpeller sans complexes ceux qui les incarnent, pour sauver des vies", écrit-elle encore dans le message qu'elle a adressé aux adhérents d'EELV.
Emma, "on l'aime ou on ne l'aime pas. Elle ne recherche pas le consensus à tout prix, elle a des convictions fortes. Avec elle, ça passe ou ça casse. C'était ça l'école Act Up", résume Christophe Martet.
Une patronne sous tutelle?
Des qualités humaines autant que des défauts politiques qui pourraient faire du grabuge dans un parti où le processus démocratique l'emporte souvent sur l'efficacité. Car une fois élue, Emmanuelle Cosse devra quoi qu'il arrive composer avec une direction plurielle, fruit d'une négociation entre les principaux cadres et motions d'EELV.
Sur sa motion: Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, François de Rugy ou encore Yannick Jadot. Une manière "d'éviter qu'on entre dans une guerre de tranchées en vue du congrès alors que les élections de 2014 s'annoncent difficiles", explique le député Cavard. Pas évident pour imposer une ligne claire réclamée à corps et à cris par les détracteurs de l'actuelle direction. D'autant que le score resserré des listes a changé la donne.
L'heure est à la synthèse générale, promet Jean-Vincent Placé pour garder la main. "Nous avons entendu le message de plus de débat démocratique" au sein du parti, avance-t-il proposant une répartition des postes "à la proportionnelle".
Alors que les minoritaires déplorent les les "excommunications" qui frappent ceux qui osent s'opposer à la tutelle du duo Duflot-Placé, Emmanuelle "sera entre le marteau et l'enclume", pronostique un proche. Comme Pascal Durand avant elle.
Pour cette néophyte des luttes d'appareil dont EELV s'est fait une spécialité, la tâche semble ardue. "Je mesure la difficulté d’animer un parti politique qui participe à une coalition gouvernementale, qui doit concilier cette participation avec une prise de parole autonome sur les sujets qui fâchent", prévenait-elle, lucide, dans un courriel adressé fin septembre aux militants du parti.
Les conditions de son élection, tendues après un premier tour serré, ne va rien arranger. Avec moins de 40% des votes, la motion défendue par Cécile Duflot et la direction sortante d'EELV n'est plus en position d'imposer sa volonté face aux deux autres principales motions, très critiques sur la participation au gouvernement et le fonctionnement du parti.
Logique de casting
Bombardée à la tête de la motion majoritaire "Pour un cap écologiste" par "la firme", petit nom péjoratif dont les militants ont gratifié le cabinet noir d'EELV incarné par Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé ("le couple infernal" raillé par Daniel Cohn-Bendit), Emmanuelle Cosse devra d'abord se défaire de la logique de casting qui a préfiguré son ascension.
Incarner l'ouverture qui fit le succès d'Europe-Ecologie tout en revendiquant la confiance de Cécile Duflot: voilà l'atout brandi par ses soutiens. Son passage réussi à la tête du logement de la région Ile-de-France -un budget annuel de 300 millions d'euros- a également pesé dans la balance. "Elle a à la fois une expérience de militante associative et d'élue", résume le député EELV Christophe Cavard.
Derrière le casting, il y a aussi des épaules. Imposée "par en haut", cette passionnée de rugby ne manque pas de muscles pour convaincre au-delà du premier cercle de ses amis. Réputée "bûcheuse" et "solide" dans l'adversité, le profil d'abeille discrète de "Emma" Cosse pourrait apaiser une formation qui fait du surplace. "Il nous faut davantage un organisateur qu'un porte-parole. C'est là que Pascal [Durand] s'est planté", note Christophe Rossignol, membre du conseil d'orientation politique d'EELV, qui soutenait une motion adverse.
Un faux double de Duflot
En interne, la question de sa faible notoriété n'émeut pas outre mesure. Depuis l'irruption de son nom dans le débat écolo, elle a écarté toute demande d'interview et fuit les télévisions. Déjà, la comparaison s'impose avec son influente marraine, Cécile Duflot. "Emma n'est pas très connue mais c'était le cas de Cécile il y a encore six ans", relativise un cadre du parti. "Emma a même beaucoup plus d'expérience que Duflot à ses débuts", renchérit son ami Manuel Domergue, qui soutient également une autre motion.
Duflot-Cosse: deux (jeunes) femmes au tempérament trempé pour diriger EELV. Ancienne présidente d'Act Up, journaliste passée par Têtu et Regards, Cosse a basculé dans la politique aux régionales de 2010, quand les écolos, sous la houlette de Daniel Cohn-Bendit, ouvraient encore grand les fenêtres aux personnalités venues de la société civile. Europe-Ecologie était alors "le seul parti à s’ouvrir vraiment aux forces sociales et faisait de cette diversité une richesse", explique celle qui se revendique de la "génération Dany".
Colère?Que faire? Emmanuelle Cosse par EuropeEcologie
Venue de la gauche du parti, c'est avec Cécile Duflot que l'ancienne militante associative bâtit son parcours politique, "comme beaucoup de personnalités d'ouverture", relève Manuel Domergue. Les deux femmes se croisent à la région Ile-de-France, où la patronne des Verts dirige le groupe écolo et où Cosse pilote la politique de logement. Quand Duflot devient ministre du Logement, les liens se resserrent, aidés par le vice-président de l'Assemblée nationale Denis Baupin, compagnon d'Emmanuelle. Jusqu'à l'éviction de Pascal Durand.
L'école Act Up
Mais la comparaison s'arrête là. "Duflot est politique, elle sait jouer la connivence avec les élus, les militants, cajoler les sensibilités. Emma est expéditive, parfois cassante. Avec elle, il faut que ça avance. C'est l'école Act Up", nuance son ami Manuel Domergue.

Act Up, une étape structurante dans le parcours de la jeune militante qui rejoint l'ONG en 1992 avant d'en prendre la présidence sept ans plus tard. "C'était la première femme hétéro, non séropo à prendre la tête d'une association issue de la communauté homosexuelle. A l'époque, cela avait fait du remous. Elle a eu le courage de se confronter à cela", se souvient Christophe Martet, ancien d'Act Up et du magazine Têtu, aujourd'hui directeur de la publication du site Yagg.
De cette époque, Emmanuelle Cosse puise "l’essence même de [s]on engagement". D'Act Up, elle retient "un mouvement où l’urgence à agir était directement corrélée à la capacité de nombreux proches à vivre". "J’en garde la conviction profonde qu’il est parfois nécessaire de bousculer les institutions, d’interpeller sans complexes ceux qui les incarnent, pour sauver des vies", écrit-elle encore dans le message qu'elle a adressé aux adhérents d'EELV.
Emma, "on l'aime ou on ne l'aime pas. Elle ne recherche pas le consensus à tout prix, elle a des convictions fortes. Avec elle, ça passe ou ça casse. C'était ça l'école Act Up", résume Christophe Martet.
Une patronne sous tutelle?
Des qualités humaines autant que des défauts politiques qui pourraient faire du grabuge dans un parti où le processus démocratique l'emporte souvent sur l'efficacité. Car une fois élue, Emmanuelle Cosse devra quoi qu'il arrive composer avec une direction plurielle, fruit d'une négociation entre les principaux cadres et motions d'EELV.
Sur sa motion: Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, François de Rugy ou encore Yannick Jadot. Une manière "d'éviter qu'on entre dans une guerre de tranchées en vue du congrès alors que les élections de 2014 s'annoncent difficiles", explique le député Cavard. Pas évident pour imposer une ligne claire réclamée à corps et à cris par les détracteurs de l'actuelle direction. D'autant que le score resserré des listes a changé la donne.
L'heure est à la synthèse générale, promet Jean-Vincent Placé pour garder la main. "Nous avons entendu le message de plus de débat démocratique" au sein du parti, avance-t-il proposant une répartition des postes "à la proportionnelle".
Alors que les minoritaires déplorent les les "excommunications" qui frappent ceux qui osent s'opposer à la tutelle du duo Duflot-Placé, Emmanuelle "sera entre le marteau et l'enclume", pronostique un proche. Comme Pascal Durand avant elle.